Tiglath-Phalazar 1er ou Teglath-Phalasar 1er
Roi d’Assyrie ayant régné de 1116 ou 1114 à 1077 ou 1076 av. jc
Dernier des grands rois de l’époque médio-assyrienne [1], l’auteur d’une seconde tentative d’expansion et de consolidation du royaume, aussi par bien des aspects un précurseur des stratégies et pratiques militaires de l’époque néo-assyrienne [2]. C’est aussi le plus disert sur ses accomplissements militaires, ses inscriptions royales étant plus longues et détaillées que celles de ses prédécesseurs, et le premier à évoquer ses chasses y compris en mer.
Dès le début de son règne, dégagé des affaires de la frontière avec Babylone [3] par la victoire de son prédécesseur, il lance ses troupes à l’assaut des régions du haut Tigre [4] et de Syrie [5] du nord, les pays d’Alzu [6], Purumzulu, Katmuhu, Nairi [7], aussi les peuples anatoliens Mushki [8], Kaska [9] et Urumu [10], régions en pleine ébullition depuis la chute de l’empire hittite [11] au début du 12ème siècle. Il faut en particulier plusieurs campagnes pour soumettre Katmuhu.
Le roi proclame avoir combattu 42 pays durant ses premières années de règne, sur un territoire allant du Zab inférieur [12] jusqu’au lac de Van [13] près des rives duquel une de ses inscriptions a été mises au jour, et aussi en Syrie orientale, puisqu’il traverse à plusieurs reprises l’Euphrate [14] et atteint la Méditerranée et le mont Liban [15].
Les textes officiels de Tiglath-Phalazar mettent l’emphase sur le fait qu’en plus de ramener dans le giron assyrien des pays qui s’en étaient éloignés, qu’il défait des adversaires que ses prédécesseurs n’avaient pas soumis, et rapportent scrupuleusement leur nom, leur géographie, mentionnent à plusieurs reprises le nombre de soldats vaincus, le tribut qu’ils versent notamment des chevaux et des chars, les otages emportés, aussi des expéditions de chasse.
Dans les régions occidentales, il fait face à un nouvel adversaire, les tribus d’Araméens [16], accompagnés des Ahlamu [17] déjà connus par ses prédécesseurs, qui le forcent à traverser 28 fois l’Euphrate, sans succès durable. Ces groupes occupent apparemment la région qui va de la Méditerranée [18] jusqu’au moyen Euphrate [19], rendant le contrôle de ces régions instables, en particulier durant la seconde partie du règne de Tiglath-Phalazar.
C’est sans doute pour cela que ce roi ne semble jamais avoir tenté de s’imposer durablement en Babylonie [20], avec laquelle il est en conflit au début du 11ème siècle, y conduisant 2 campagnes. La première se déroule comme souvent dans les régions situées au sud du Zab inférieur et jusqu’à la vallée de la Diyala [21], mais se solde aussi par la consolidation des positions assyriennes sur le moyen Euphrate [22]. La seconde porte les affrontements dans la Babylonie du nord, les Assyriens parvenant à prendre les grandes cités de Dur-Kurigalzu [23], Sippar de Shamash [24], Sippar d’Annunitu [25], Upu [26] et finalement Babylone même qui subit apparemment de lourdes destructions.
L’origine de ce nouvel affrontement reste obscure, mais un texte administratif rapporte l’enterrement de 2 fils du roi assyrien tués lors d’une attaque babylonienne, ce qui semblerait plaider en faveur d’une première offensive de Babylone ayant atteint l’Assyrie, puis motivé une réplique aussi brutale de la part de Tiglath-Phalazar, en particulier la seconde campagne.
Sur le plan monumental, Tiglath-Phalazar 1er entreprend d’importants travaux à Assur, mais aussi à Ninive [27], autre manifestation de ses ambitions et moyens plus importants que ceux de ses prédécesseurs directs.
Notes
[1] Le royaume médio-assyrien est une phase de l’histoire de l’Assyrie, d’environ 1500 ou 1400 à 934 av. JC. Le royaume dirigé depuis la cité d’Assur devient alors une des grandes puissances du Proche-Orient, parvenant à dominer la Haute Mésopotamie du milieu du 14ème au début du 11ème siècle av. jc. Cette période dite « médio-assyrienne » correspond à la période finale de l’âge du bronze récent.
[2] L’Empire néo-assyrien était un Empire mésopotamien de l’âge du fer qui a existé entre 934 et 609 av. jc, et qui fut le plus grand empire du monde jusqu’à cette époque. Les Assyriens ont mis en place une machine de guerre sans rivale à sa taille pendant 3 siècles et perfectionné les techniques de gouvernement impérial, dont beaucoup sont devenues la norme dans les empires ultérieurs. Au sortir d’une période de crises, au milieu du 10ème siècle av. jc l’Assyrie a perdu la majeure partie des territoires qu’elle possédait au début du siècle précédent à l’époque du royaume médio-assyrien, quand elle dominait la Haute Mésopotamie. La première étape de l’histoire néo-assyrienne est une phase de reconquête qui va de 934 à 830 av. jc. Comme son nom l’indique, a lieu une nouvelle expansion qui permet au royaume de retrouver ses frontières passées, sous la conduite d’une série de rois énergiques qui mettent en place une politique de campagnes régulières afin d’affaiblir leurs adversaires et de réaffirmer en permanence leur hégémonie.
[3] Babylone était une ville antique de Mésopotamie. C’est aujourd’hui un site archéologique majeur qui prend la forme d’un champ de ruines incluant des reconstructions partielles dans un but politique ou touristique. Elle est située sur l’Euphrate dans ce qui est aujourd’hui l’Irak, à environ 100 km au sud de l’actuelle Bagdad, près de la ville moderne de Hilla. À partir du début du 2ème millénaire av. jc, cette cité jusqu’alors d’importance mineure devient la capitale d’un royaume qui étend progressivement sa domination à toute la Basse Mésopotamie et même au-delà, sous le règne de Hammurabi dans la première moitié du 18ème siècle av. jc.
[4] Le Tigre est un fleuve de Mésopotamie long de 1 900 km. Ce fleuve prend sa source en Turquie comme l’autre grand fleuve de la région l’Euphrate.
[5] La Syrie fut occupée successivement par les Cananéens, les Phéniciens, les Hébreux, les Araméens, les Assyriens, les Babyloniens, les Perses, les Grecs, les Arméniens, les Romains, les Nabatéens, les Byzantins, les Arabes, et partiellement par les Croisés, par les Turcs Ottomans et enfin par les Français à qui la SDN confia un protectorat provisoire pour mettre en place, ainsi qu’au Liban, les conditions d’une future indépendance politique.
[6] l’ancien Alshe
[7] Nairi ou Naïri est le nom donné à un territoire s’étendant directement à l’ouest du lac de Van et contrôlé par une confédération de tribus durant une période allant du 13 au 10ème siècle av. jc. Ce territoire du Haut-plateau arménien correspond aujourd’hui à la région d’Anatolie orientale (ex-Arménie occidentale), en Turquie (entre Hakari et Dersim).
[8] Les Mushki (ou Muški) sont un peuple de l’Anatolie antique, attestés par les sources assyriennes, qui ont un lien encore mal établi avec les Phrygiens.
[9] Les Gasgas ou Kaskas sont un peuple du nord de l’Anatolie au 2ème millénaire av. jc. Surnommés Tisseurs de lin et éleveurs de porcs, ils s’installent dans les vallées situées entre la frontière nord du royaume hittite et la mer Noire, ayant semble-t-il un mode de vie semi-nomade.
[10] Les Urumu (également appelés les Urumméens) étaient une tribu attestée dans les sources cunéiformes à l’âge du bronze. Ils sont souvent considérés comme l’un des ancêtres des Arméniens, étant l’une des tribus qui faisaient partie de la confédération arménienne Hayasa-Azzi.
[11] Les Hittites sont un peuple ayant vécu en Anatolie au 2ème millénaire av. jc. Ils doivent leur nom à la région dans laquelle ils ont établi leur royaume principal, le Hatti, situé en Anatolie centrale autour de leur capitale, Hattusan. À partir de la seconde moitié du 17ème siècle avant notre ère, les rois du Hatti construisent un des plus puissants royaumes du Moyen-Orient, dominant l’Anatolie jusqu’aux alentours de 1200 av. jc. À partir du 14ème siècle avant notre ère, ils réussissent à faire passer la majeure partie de la Syrie sous leur coupe, ce qui les met en rivalité avec d’autres puissants royaumes du Moyen-Orient : l’Égypte, le Mitanni et l’Assyrie.
[12] Le Petit Zab, appelé Caprus (Kapros) par les grecs, est une rivière, affluent du Tigre, prenant sa source en Iran dans les monts Zagros à 3 000 mètres d’altitude et se jetant dans le Tigre en Irak après un parcours d’environ 400 km. Elle est coupée par le Barrage de Dokan au Kurdistan irakien, puis par le barrage de Dibbis.
[13] Le lac de Van ou lac Van est le plus grand lac de Turquie et le deuxième plus grand lac d’Asie de l’Ouest (après le lac d’Ourmia). Il est situé dans le sud du haut-plateau arménien dans l’est de la Turquie. Il s’agit d’un lac salé endoréique.
[14] L’Euphrate est un fleuve d’Asie de 2 780 km de long. Il forme avec le Tigre dans sa partie basse la Mésopotamie. Son débit est particulièrement irrégulier puisque plus de la moitié de son flux s’écoule de mars à mai et que le débit peut tomber à 300 m3/s contre un débit moyen de 830 m3/s à l’entrée en Syrie. En période de crue, il peut atteindre 5 200 m3/s pouvant provoquer de graves inondations. Les deux branches mères de l’Euphrate naissent sur le haut-plateau anatolien : celle de l’ouest, ou Karasu, naît près d’Erzurum, dont elle traverse la plaine ; celle de l’est, le Murat, se forme au Nord du lac de Van, sur les flancs d’un contrefort occidental de l’Ararat. Il traverse ensuite la zone de piémont, zone aride partagée entre la Syrie et l’Irak. Arrivé aux environs de Ramadi en Irak, il entre dans la plaine fertile de Mésopotamie, passant par Fallujah à proximité de Bagdad, et puis à environ 1 km à l’ouest des ruines de Babylone. Il rejoint le Tigre dans le sud-est du pays à Qurna à environ 100 km au nord-ouest de Bassorah pour former le Chatt-el-Arab et se jeter dans le golfe Persique.
[15] Le mont Liban « Montagne occidentale du Liban » est une chaîne de montagnes du Liban et, pour une petite partie, de Syrie ; elle domine la mer Méditerranée située à l’ouest, et culmine au Qurnat as Sawda’ à 3 088 mètres d’altitude. Il s’agit du plus haut relief montagneux du Proche-Orient. Cette montagne a constitué le noyau du Grand Liban, à l’origine de la république libanaise moderne. Elle est majoritairement peuplée de chrétiens (maronites surtout), avec une minorité importante de la communauté druze (surtout dans les montagnes du Chouf).
[16] Les Araméens sont un ensemble de groupes ethniques du Proche-Orient ancien qui habitaient des régions de la Syrie et de la Mésopotamie au 1er millénaire av. jc. De petits États araméens se sont développés à partir du 11ème et 10ème siècle av. jc. durant les premiers temps de l’Âge du Fer. Les Araméens n’ont pourtant jamais développé une culture ou un État unifié. Ils sont devenus au milieu du 1er millénaire un élément important de la population de l’Assyrie et de la Babylonie, au point que leur langue, l’araméen, s’est répandue dans tout le Proche-Orient ancien.
[17] Ahlamu ou Aḫlamū, étaient des semi-nomades sémites. Leur habitat était situé à l’ouest de l’Euphrate, entre l’embouchure du Khabur et Palmyre. Ils sont mentionnés pour la première fois dans les sources depuis Rim-Anum (18ème siècle av. jc), un roi d’Uruk, et dans les textes de Mari ; puis, au 14ème siècle av. jc dans des sources égyptiennes, dans l’une des lettres amarniennes, au temps d’Akhenaton, où l’on affirme qu’ils avaient avancé jusqu’à l’Euphrate
[18] le pays d’Amurru
[19] Suhu
[20] La civilisation babylonienne s’épanouit en Mésopotamie du Sud du début du 2ème millénaire av. jc jusqu’au début de notre ère. Elle prit corps à partir de l’héritage des civilisations du Sud mésopotamien plus anciennes (Sumer et Akkad) dont elle est historiquement la prolongation. Elle prend corps avec l’affirmation politique de Babylone, État qui fut à partir du 18ème siècle av. jc l’entité politique dominant le Sud mésopotamien, et ce pendant plus d’un millénaire.
[21] La Diyâlâ est un affluent d’une longueur totale de 445 km sur la rive est du Tigre avec lequel elle conflue en aval de Bagdad. Son bassin versant s’étend sur 32 600 km². Elle prend sa source en Iran dans le massif du Zagros à plus de 2 000 m d’altitude dans la province d’Hamadân à environ 50 km à l’est de la ville d’Hamadân et porte alors le nom de Sîrwân. Elle traverse une partie le Sud de la province du Kurdestân et du Nord de la province Kermanshah. Sur quelques kilomètres elle fait la frontière entre l’Iran et l’Irak, où elle donne son nom à la province de la Dîyâlâ. Depuis l’Irak, sa vallée sert de porte d’entrée dans le massif du Zagros et la province iranienne du Kermanshah.
[22] autour de Rapiqu dans le pays de Suhu
[23] Dur-Kurigalzu
[24] Sippar est une ville de la Mésopotamie antique, située au nord-ouest de Babylone, sur le site actuel de Abu Habbah. Il s’agit d’une des villes les plus importantes de la Babylonie des 2ème millénaire av. jc et Ier millénaire av. jc, où se trouvait l’un des principaux sanctuaires de Shamash, le Dieu du Soleil. Ce site a livré des dizaines de milliers de tablettes cunéiformes, ce qui en fait un des sites antiques les mieux documentés par l’épigraphie. Une autre ville portait le nom de Sippar, située à sept kilomètres à peine de la première (ce qui en fait plutôt une sorte de faubourg), sur l’actuel site de Tell ed-Der. Pour les distinguer les textes antiques appellent souvent la première « Sippar de Shamash » et la seconde « Sippar d’Annunitum », suivant leurs divinités tutélaires.
[25] Tell ed-Der est un site archéologique de la Mésopotamie antique, correspondant à une ancienne ville portant le nom de Sippar, homonyme de la ville voisine et plus importante située 5 kilomètres au sud-est, qui est celle à laquelle il est plus couramment fait référence quand on parle de Sippar. Ce site a surtout été important à l’époque paléo-babylonienne entre le 19ème siècle av. jc et le 17ème siècle av. jc. Pour la distinguer de l’autre Sippar, on la désignait tantôt comme Sippar d’Annunitum , d’après sa déesse principale, ou bien Sippar des Amnanum, du nom d’une tribu amorrite.
[26] Opis est une ancienne cité babylonienne situé près du Tigre, non loin de Bagdad. Les textes akkadiens et grecs indiquent qu’elle était située à l’est du Tigre, près de la rivière Diyala. Des enquêtes récentes situent Opis sur le tertre appelé Tall al-Mujailāt (ou Tulūl al-Mujaili), à 32 km au sud-est en ligne droite du centre de Bagdad et à 76 km au nord-est en ligne droite de l’ancienne Babylone. À l’époque hellénistique, Opis est un port fluvial de première importance. Xénophon parle d’une ville considérable. D’après des tablettes datant de Cyrus, la ville aurait constitué un très grand marché, où des représentants de la maison des Egibis venaient acheter et vendre des esclaves. Opis est traversée par les Dix-Mille et par Alexandre de retour d’Inde. La ville est un petit village sans importance à l’époque de Strabon.
[27] Ninive une ancienne ville de l’Assyrie, dans le Nord de la Mésopotamie. Elle se situait sur la rive est du Tigre, au confluent du Khosr, dans les faubourgs de la ville moderne de Mossoul, en Irak, dont le centre se trouve de l’autre côté du fleuve. Les deux sites principaux de la cité sont les collines de Kuyunjik et de Nebī Yūnus. Ninive est l’une des plus anciennes cités de Mésopotamie. Elle était un important carrefour de routes commerciales traversant le Tigre. Elle occupait une position stratégique sur la grande route entre la mer Méditerranée et le plateau iranien, ce qui lui a apporté la prospérité, de sorte qu’elle est devenue l’une des plus grandes cités de toute la région. Elle doit néanmoins sa plus grande expansion urbaine au choix du roi assyrien Sennacherib d’en faire la capitale de son grand empire au début du 7ème siècle av. jc. Ninive est alors entourée de remparts de briques sur une longueur de 12 km. L’espace total de la cité couvrait 750 hectares à son apogée.