Chypre, le berceau d’Aphrodite
"Cypris" ou Aphrodite : tel est le nom de ce joyau de la Méditerranée. Un joyau de pierres qui, dès l’Antiquité et parce qu’elle se situe au cœur d’un intense échange commercial, devint un joyau des plus prisé.
Colonisée successivement par les Phéniciens vers 1500 av. jc puis par les Grecs vers 1000 av. JC, elle subit la domination assyrienne [1] avant de revenir aux Phéniciens puis de passée à l’Egypte et enfin à l’empire perse.
Des conquêtes et des dominations successives qui allaient lui permettre de conserver une relative autonomie, au point de sortir, vers 400 av. jc, de ces temps de soumission officielle, à un intense rayonnement.
Les cités les plus importantes étaient alors Amathonte [2], Paphos [3] et Idalie, toutes 3 consacrées à la déesse Aphrodite qui serait venue y parfaire sa beauté avant de faire son entrée dans l’Olympe [4].
Au début du 4ème siècle av. jc, Chypre était donc indépendante, jusqu’à ce qu’elle soit intégrée à l’empire d’Alexandre. A la mort de ce dernier, elle sera d’ailleurs vivement disputée par les "héritiers" du Conquérant, qu’ils soient de Syrie [5] ou d’Egypte. Finalement, c’est Caton, le Romain, qui s’en emparera et en fera, en 58 av. jc, une province romaine.
Le partage de l’empire romain placera Chypre dans l’escarcelle byzantine [6] où elle demeurera jusqu’aux croisades. C’est Richard Cœur de Lion qui finalement s’en empare et l’offre à un seigneur français, ancien roi de Jérusalem [7], Guy de Lusignan. Ce dernier fonde alors le Royaume de Chypre [8], d’où il espère bien entamer la reconquête de Jérusalem [9], reconquête qui n’aura jamais lieu. L’île devait rester aux descendants de Guy durant plusieurs générations, faisant de l’île de la déesse Vénus ou Aphrodite, celui des fils de la fée Mélusine la famille de Lusignan [10] se targuant d’être issu des amours d’un seigneur et de cette fée.
En 1489, Catherine Cornaro , descendante et héritière de Guy de Lusignan, vendra Chypre à Venise [11], qui ne la conservera pas un siècle. En effet, en 1570, les Turcs s’en emparaient. Le joyau de la Méditerranée devait alors connaître ses heures les plus sombres : laissée à l’abandon par les Turcs, l’île était dans un état déplorable lorsque, en 1878, elle fut placée sous administration britannique. Devenue colonie de la couronne en 1925, elle devait, aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, devenir le théâtre d’affrontements sanglants entre Turcs nationalistes et nationalistes grecs, chacun en réclamant l’indépendance voire le rattachement à sa patrie d’origine. Une situation qui, encore aujourd’hui, est loin d’être réglée…
Notes
[1] L’Assyrie est une ancienne région du Nord de la Mésopotamie, qui tire son nom de la ville d’Assur, qui est aussi celui de sa divinité tutélaire, le dieu Assur. À partir de cette région s’est formé au 2ème millénaire av. jc un royaume puissant qui est devenu par la suite un empire. Aux 8ème et 7ème siècles av. jc, l’Assyrie contrôle des territoires s’étendant sur la totalité ou sur une partie de plusieurs pays actuels tels l’Irak, la Syrie, le Liban, la Turquie ou encore l’Iran.
[2] Amathonte (Amathus) est un site archéologique situé à une dizaine de kilomètres à l’est de Limassol à Chypre. La ville a été le siège d’un des royaumes de Chypre et a abrité un sanctuaire consacré à Aphrodite. Le site inclut une agora monumentale d’époque hellénistique et romaine
[3] Paphos est une ville côtière du sud - ouest de Chypre et la capitale du district de Paphos. Dans l’antiquité classique, deux endroits ont été appelés Paphos : Old Paphos, aujourd’hui connu sous le nom de Kouklia, et New Paphos. La ville actuelle de Paphos se trouve sur la côte méditerranéenne, à environ 50 km à l’ouest de Limassol le plus grand port de l’île
[4] Le mont Olympe est la plus haute montagne de Grèce, avec un sommet à 2 917 mètres. Elle fait partie de la chaîne du même nom. L’Olympe est traditionnellement le domaine des dieux de la mythologie grecque.
[5] La Syrie fut occupée successivement par les Cananéens, les Phéniciens, les Hébreux, les Araméens, les Assyriens, les Babyloniens, les Perses, les Grecs, les Arméniens, les Romains, les Nabatéens, les Byzantins, les Arabes, et partiellement par les Croisés, par les Turcs Ottomans et enfin par les Français à qui la SDN confia un protectorat provisoire pour mettre en place, ainsi qu’au Liban, les conditions d’une future indépendance politique.
[6] L’Empire byzantin ou Empire romain d’Orient désigne l’État apparu vers le 4ème siècle dans la partie orientale de l’Empire romain, au moment où celui-ci se divise progressivement en deux. L’Empire byzantin se caractérise par sa longévité. Il puise ses origines dans la fondation même de Rome, et la datation de ses débuts change selon les critères choisis par chaque historien. La fondation de Constantinople, sa capitale, par Constantin 1er en 330, autant que la division d’un Empire romain de plus en plus difficile à gouverner et qui devient définitive en 395, sont parfois citées. Quoi qu’il en soit, plus dynamique qu’un monde romain occidental brisé par les invasions barbares, l’Empire d’Orient s’affirme progressivement comme une construction politique originale. Indubitablement romain, cet Empire est aussi chrétien et de langue principalement grecque. À la frontière entre l’Orient et l’Occident, mêlant des éléments provenant directement de l’Antiquité avec des aspects innovants dans un Moyen Âge parfois décrit comme grec, il devient le siège d’une culture originale qui déborde bien au-delà de ses frontières, lesquelles sont constamment assaillies par des peuples nouveaux. Tenant d’un universalisme romain, il parvient à s’étendre sous Justinien (empereur de 527 à 565), retrouvant une partie des antiques frontières impériales, avant de connaître une profonde rétractation. C’est à partir du 7ème siècle que de profonds bouleversements frappent l’Empire byzantin. Contraint de s’adapter à un monde nouveau dans lequel son autorité universelle est contestée, il rénove ses structures et parvient, au terme d’une crise iconoclaste, à connaître une nouvelle vague d’expansion qui atteint son apogée sous Basile II (qui règne de 976 à 1025). Les guerres civiles autant que l’apparition de nouvelles menaces forcent l’Empire à se transformer à nouveau sous l’impulsion des Comnènes avant d’être disloqué par la quatrième croisade lorsque les croisés s’emparent de Constantinople en 1204. S’il renaît en 1261, c’est sous une forme affaiblie qui ne peut résister aux envahisseurs ottomans et à la concurrence économique des républiques italiennes (Gênes et Venise). La chute de Constantinople en 1453 marque sa fin.
[7] Le royaume de Jérusalem fut fondé par des princes chrétiens à la fin de la première croisade, lorsqu’ils s’emparèrent de la ville. C’est l’un des États latins d’Orient. On peut distinguer plusieurs périodes dans son histoire : celles où le titre de roi de Jérusalem est associé à la mainmise croisée sur la ville (1099-1187 et 1229-1244), et celles où le titre représente le plus haut niveau de suzeraineté des croisés en Terre sainte, mais durant lesquelles la ville en elle-même n’appartient pas aux soldats croisés. Le royaume de Jérusalem fut créé en 1099 après la prise de la ville et ne disparut réellement qu’avec le départ des derniers croisés de Tortose en août 1291, soit moins de deux siècles plus tard.
[8] Le royaume franc (ou latin) de Chypre est l’État latin d’Orient le plus récent quant à sa création, et celui qui subsista le plus longtemps (de 1192 à 1489), grâce à sa situation insulaire.
[9] Ville du Proche-Orient que les Israéliens ont érigée en capitale, que les Palestiniens souhaiteraient comme capitale et qui tient une place centrale dans les religions juive, chrétienne et musulmane. La ville s’étend sur 125,1 km². En 130, l’empereur romain Hadrien change le nom de Jérusalem en « AElia Capitolina », (Aelius, nom de famille d’Hadrien ; Capitolina, en hommage au dieu de Rome, Jupiter capitolin) et il refonde la ville. Devenue païenne, elle est la seule agglomération de la Palestine à être interdite aux Juifs jusqu’en 638. Durant plusieurs siècles, elle est simplement appelée Aelia, jusqu’en 325 où Constantin lui redonne son nom. Après la conquête musulmane du calife Omar en 638, elle devient Iliya en arabe, ou Bayt al-Maqdis (« Maison du Sanctuaire »), équivalent du terme hébreu Beit ha-Mikdash (« Maison sainte »), tous deux désignant le Temple de Jérusalem, ou le lieu du voyage et d’ascension de Mahomet, al-Aqsa, où se situait auparavant le temple juif
[10] La maison de Lusignan est une famille féodale française originaire du Poitou, attestée depuis le 10ème siècle et de Pembroke, des rois de Jérusalem puis de Chypre et d’Arménie. Elle est éteinte depuis le 17ème siècle.
[11] La république de Venise, parfois surnommée « la Sérénissime », est une ancienne thalassocratie d’Italie, progressivement constituée au Moyen Âge autour de la cité de Venise, et qui s’est développée par l’annexion de territoires divers en Italie du Nord, le long des côtes de la mer Adriatique et en Méditerranée orientale : les « Domini di Terraferma », l’Istrie, la Dalmatie, les bouches de Cattaro, l’Albanie vénitienne, les îles Ioniennes, la Crète, l’Eubée, Chypre et d’autres îles grecques, jusqu’à devenir une des principales puissances économiques européennes.