Auteur de 3 œuvres dont le succès ne s’est jamais démenti tout au long du Moyen Âge et de l’époque moderne, l’une portant sur l’armée et la tactique militaire romaine, intitulée “Epitoma rei militaris ou De re militari”, les deux autres portant sur la médecine vétérinaire, “Digesta artis mulomedicinæ” ou plus simplement Mulomedicina et le soin des bovidés [1].
Ni militaire ni médecin lui-même, Végèce est d’abord un compilateur brillant, rassemblant les travaux de 2 auteurs majeurs Columelle et Pelagonius et de 2 auteurs mineurs plus tardifs, Chiron et Apsyrte. Il s’est attaché à rassembler les meilleures données et les présente selon un plan cohérent et les expose dans un latin simple et direct.
On ne sait rien de sa vie, sinon les indices présents dans son œuvre et quelques précisions apportées par des copistes postérieurs selon qui il aurait été comes et vir illustris [2].
Les informations sur le parcours personnel de Végèce sont relativement indirectes. Un manuscrit lombard du 10ème siècle le désigne comme étant comes sacrum, peut-être une altération de comes sac(ra)rum (largitionum) [3]. C’est tout à fait possible car il se montre sensible à l’aspect pécuniaire des sujets qu’il traite dans ses œuvres, remarquant par exemple qu’il est plus économique d’enseigner les armes aux siens que d’enrôler des étrangers à prix d’argent ou encore : Faut-il rougir d’une science qui nous épargne des pertes ? Les soins apportés aux esclaves malades ne passent pas pour une chose incongrue et pourtant, ceux-ci coûtent souvent moins cher que les chevaux et les mulets.
Une étude récente a révélé que Végèce avait peut-être gravi les échelons des agentes in rebus* (chargés de mission) : il aurait d’ailleurs aidé à rédiger la législation impériale relative au cursus publicus tardif [4]. Il a sûrement beaucoup voyagé et parcouru l’Empire romain tardif [5], du moins dans ses confins occidentaux, dans le cadre d’expéditions militaires et de voyages auprès de l’Empereur : il fait montre d’une connaissance encyclopédique de l’organisation des armées et de la formation des troupes, il connaît très bien les machines de guerre et même l’argot des soldats dont il relate quelques passages dans son traité. Il confesse dans son œuvre vétérinaire adorer les chevaux et peut discuter des mérites et défauts respectifs de toutes les races équines de son temps.
Il était probablement chrétien comme tout l’entourage impérial, sa carrière de haut fonctionnaire renforce cette hypothèse puisque Végèce vit à une époque où les tenants des anciennes religions étaient persécutés voire écartés des cercles du pouvoir.
Sa foi n’était probablement guère militante, plus préoccupé par l’urgence de la défense de l’Empire contre les invasions du siècle que par les questions de théologie et de foi, contrairement à son contemporain Augustin d’Hippone. Conscient que la “Mulomedicina” s’adresse à un large public allant du riche propriétaire terrien au simple bouvier en passant par le valet d’écurie, il veille à ménager toutes les sensibilités dans un monde en transformation.
Le personnage ne manquait probablement pas d’humour. Dans le prologue du livre III du “Digesta artis mulomedicinæ”, voulant défendre la cause des bœufs, il dénature un vers du poète Aratus et lui fait dire, en substance, que la déesse Justice a quitté la Terre par écœurement devant l’assassinat des animaux alors qu’elle n’avait pas bronché au spectacle des homicides.