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L’histoire pour le plaisir

Corneille (centurion)

vendredi 7 juin 2024, par lucien jallamion

Corneille (centurion)

L’histoire du centurion Corneille est, dans la tradition chrétienne basée sur les Actes des apôtres [1], le premier gentil à devenir disciple de Jésus-Christ après la mort de celui-ci et à recevoir le baptême, au 1er siècle de notre ère.

Il était un centurion de l’armée romaine en Palestine [2], faisant partie, d’après les Actes des apôtres d’une cohorte italique et résidant à Césarée [3], capitale de la Judée romaine entre 30 et 60. Il appartient au groupe de prosélytes de la porte qui sont appelés par les Juifs les Craignant-Dieu [4].

Compte tenu du fait que la Judée était dans l’orbite hellénique depuis la conquête d’Alexandre le Grand, il était temps pour les sages et les philosophes, grecs et juifs, d’échanger des connaissances, commençant ainsi le syncrétisme entre l’hellénisme et le judaïsme. Plus tard avec l’arrivée des Romains, il n’y eut plus de problèmes de tolérance religieuse sauf dans le cas des Zélotes [5], puisque grâce à l’interpretatio graeca exportée par les Macédoniens, il était possible d’identifier Caelus, Uranus et Yahweh comme le Dieu Suprême lui-même, permettant des cas de conversion comme Corneille.

Alors qu’il est en prière un ange lui apparaît en vision l’informant que le Seigneur a entendu sa prière et l’invitant à faire venir chez lui Simon que l’on surnomme Pierre, lequel se trouvait alors à Joppé [6]. Les envoyés de Corneille rencontrent Pierre alors qu’il cherche à comprendre la vision que lui-même a reçue, lui enjoignant de manger de la nourriture que, comme Juif, il considérait impure.

Répondant à l’invitation de Corneille, Pierre arrive le surlendemain à Césarée où il est cordialement reçu par Corneille, sa famille et une grande assistance

Pierre parle et reprend en bref le kérygme [7] : de la Galilée [8] à Jérusalem [9], avec sa crucifixion et sa résurrection.

Pierre n’a pas fini de parler que l’Esprit Saint descend sur ceux qui écoutent sa parole, à la stupeur des circoncis qui accompagnent Pierre. Pierre en tire la conclusion : « peut-on refuser le baptême à ceux qui ont reçu l’Esprit Saint comme nous. Ils sont tous baptisés

Corneille et les membres de sa famille sont les premiers païens à être admis à part entière dans la communauté chrétienne des premiers temps, jusque-là exclusivement juive. L’événement est si important, et révolutionnaire, que le livre des Actes des Apôtres lui consacre un chapitre entier.

Cet événement est présenté comme une œuvre de l’Esprit envoyé par Jésus de Nazareth pour continuer son œuvre, dans une nouvelle Pentecôte, et non comme une initiative personnelle de Pierre. C’est d’ailleurs Dieu qui à travers un ange incite Corneille à aller rencontrer Pierre.

La réception de gentils dans la communauté chrétienne suscitera néanmoins d’âpres débats, Corneille, un Craignant-Dieu, n’étant pas fils de la circoncision. Mais la décision de Pierre sera finalement avalisée par la réunion de Jérusalem vers 50, réunion provoquée par les nouveaux chrétiens d’Antioche [10] qui y envoient Paul et Barnabé. Cette décision de Pierre d’ouvrir la communauté aux païens, est confortée par des témoignages donnés par Paul et Barnabé, et Jacques le Juste, chef de la communauté judéo-chrétienne de Jérusalem, se range à leur avis.

La tradition fait parfois de Corneille le premier évêque de Césarée, ou encore de Scepsis [11] en Mysie [12].

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Pierre Geoltrain (dir.), Aux origines du christianisme,éd. Gallimard/Le Monde de la Bible, 2000

Notes

[1] Le récit des Actes des Apôtres, cinquième livre du Nouveau Testament, est la seconde partie de l’œuvre dédiée « à Théophile » et attribuée à Luc par la tradition chrétienne comme par les chercheurs modernes, la première partie étant l’Évangile selon Luc. Le récit rapporte les débuts de la communauté chrétienne, avec l’Ascension suivie de la Pentecôte, et relate essentiellement la prédication de Paul de Tarse. Il se termine avec la première venue de Paul à Rome au début des années 60.

[2] Le nom Palestine désigne la région historique et géographique du Proche-Orient située entre la mer Méditerranée et le désert à l’est du Jourdain et au nord du Sinaï. Si le terme « Palestine » est attesté depuis le 5ème siècle av. jc par Hérodote, il est officiellement donné à la région par l’empereur Hadrien au 2ème siècle, désireux de punir les Juifs de leur révolte en 132-135. Elle est centrée sur les régions de la Galilée, de la Samarie et de la Judée. Ses limites sont au nord la Phénicie et le mont Liban et au sud la Philistie et l’Idumée. À l’époque des croisades, le Pérée au nord-est de la mer Morte, la Batanée et la Décapole au-delà du Jourdain y étaient attachés. La Palestine peut désigner le territoire situé uniquement à l’ouest du Jourdain. Historiquement, elle correspond à Canaan, à la Terre d’Israël et fait partie de la région de Syrie (Syrie-Palestine). Les Arabes, qui ont conquis la Palestine sur les Byzantins dans les années 630, divisent la province d’al-Sham en cinq districts (jund), dont l’un garde le nom de « Palestine » et s’étend du Sinaï jusqu’à Akko (connue par les Chrétiens sous le nom de Saint-Jean-d’Acre) ; son chef-lieu est d’abord Ludd (Lod) puis, dès 717, ar-Ramlah (Ramla) et plus tard Jérusalem. Les autres villes les plus importantes sont Rafah, Gaza, Jaffa, Césarée, Naplouse et Jéricho. Ce district de « Palestine » était bordé au nord et à l’est par celui de « Jordanie », al-Urdunn, qui avait pour capitale Tibériade et incluait Akko et Tyr. Les frontières entre ces deux districts ont plusieurs fois varié au cours de l’histoire. À partir du 10ème siècle, cette division a commencé à tomber en désuétude, pour faire place finalement au royaume chrétien de Jérusalem. Sous le gouvernement des Croisés, est fondé en 1099, le royaume latin de Jérusalem ; Jérusalem redevient capitale d’un État. Après la défaite et le départ des Croisés, aux 12ème et 13ème siècles, les jund (districts) arabo-musulmans sont réintroduits, mais leurs frontières sont sans cesse redéfinies.

[3] Césarée est le nom d’une ville antique de Judée et moderne d’Israël, située sur la côte méditerranéenne à 20 km au sud de la ville de Dor, entre Netanya et Hadera. Les vestiges de la ville antique permettent d’admirer les ruines de la capitale royale d’Hérode 1er le Grand, et nombre de monuments des époques romaine puis médiévale.

[4] Les Craignant-Dieu sont, pendant la période du Second Temple, un groupe de « gentils », ou non-juifs, proches du judaïsme hellénistique sans être cependant convertis au judaïsme. Évoqués dans le Nouveau Testament (Épîtres de Paul, Évangiles, Actes des Apôtres), ils forment une communauté à part, majoritairement gréco-romaine, qui adhère à la foi monothéiste de la Torah mais n’est pas tenue de se soumettre à toutes les pratiques du judaïsme, dont la cacherout et surtout la circoncision. C’est principalement dans le milieu des Craignant-Dieu que se développe le christianisme primitif. Le centurion Corneille décrit en Actes 10 est l’un de ces Craignant-Dieu, comme l’est probablement Luc, auteur de l’Évangile selon Luc et des Actes. De nombreux Craignant-Dieu sont mentionnés dans les inscriptions de synagogues du monde hellénistique.

[5] Les Zélotes, sont les groupes qui combattent le pouvoir romain les armes à la main pendant la Première Guerre judéo romaine. Appelés aussi Galiléens, ils se révoltent initialement contre le recensement de Quirinius en 6 : le recensement viole d’une part un interdit biblique (seul Dieu est le comptable autorisé des âmes) mais d’autre part prépare l’institution de l’impôt « par tête ». En se radicalisant, ils finissent par s’attaquer aussi bien à leurs compatriotes jugés timorés ou soupçonnés de collaborer avec les Romains, qu’aux païens qui pensent-ils souillent la Terre promise par leur seule présence. Les Zélotes constituent un des courants actifs du judaïsme du premier siècle. Secte juive anti-romaine, ils sont les principaux instigateurs de la révolte contre Rome : ils se défendent contre Titus avec acharnement, pendant le siège et après la prise de Jérusalem, en 70. La répression romaine est sans appel : ceux qui sont faits prisonniers sont crucifiés. Beaucoup préfèrent mourir dans des suicides collectifs

[6] Jaffa ( parfois appelée en français Joppé ou Jophé ) est la partie sud, ancienne, de la ville de Tel Aviv-Jaffa en Israël. C’est l’un des ports les plus anciens de la côte orientale de la mer Méditerranée.

[7] la vie de Jésus

[8] La Galilée est souvent citée dans l’Ancien Testament, et sa partie septentrionale évoquée comme "la Galilée des Gentils" dans le Nouveau Testament. Elle est décrite par Flavius Josèphe qui évoque son histoire, son peuplement sa géographie, et lui donne deux parties : la Galilée supérieure, en grande partie peuplée de Gentils, et la Galilée inférieure, en grande partie peuplée de Juifs. Son nom de Galilée pourrait venir d’un peuplement celte, comme plus au nord la Galatie. Elle recouvrait avant la Captivité les territoires des tribus d’Issacar, de Zabulon, de Nephthali et d’Asher. Comme les Galiléens étaient de bons cultivateurs, plantant des figuiers, des oliviers, des noyers, des palmiers, des habiles artisans et de bons pêcheurs, la Galilée était prospère avec 400 villes, certaines très peuplées.

[9] Ville du Proche-Orient que les Israéliens ont érigée en capitale, que les Palestiniens souhaiteraient comme capitale et qui tient une place centrale dans les religions juive, chrétienne et musulmane. La ville s’étend sur 125,1 km². En 130, l’empereur romain Hadrien change le nom de Jérusalem en « AElia Capitolina », (Aelius, nom de famille d’Hadrien ; Capitolina, en hommage au dieu de Rome, Jupiter capitolin) et il refonde la ville. Devenue païenne, elle est la seule agglomération de la Palestine à être interdite aux Juifs jusqu’en 638. Durant plusieurs siècles, elle est simplement appelée Aelia, jusqu’en 325 où Constantin lui redonne son nom. Après la conquête musulmane du calife Omar en 638, elle devient Iliya en arabe, ou Bayt al-Maqdis (« Maison du Sanctuaire »), équivalent du terme hébreu Beit ha-Mikdash (« Maison sainte »), tous deux désignant le Temple de Jérusalem, ou le lieu du voyage et d’ascension de Mahomet, al-Aqsa, où se situait auparavant le temple juif

[10] Antioche est une ville de Turquie proche de la frontière syrienne, chef-lieu de la province de Hatay.

[11] Scepsis est une ville antique de Mysie, située sur le site du village actuel de Kurşuntepe, près de Bayramiç, en Turquie. Elle fut un temps ville-état platonicienne, comme l’était Atarnée, entre autres. Elle est connue pour être le lieu où Nélée de Scepsis, un élève de Théophraste, cacha des œuvres d’Aristote et de Théophraste pour qu’elles ne soient pas emportées par Attale 1er lorsqu’il fonda la bibliothèque de Pergame. Ces œuvres furent rachetées à l’époque de Sylla par Apellicon

[12] La Mysie est une région historique d’Asie Mineure, sur la côte ouest, au nord de la Lydie, à l’ouest de la Phrygie et de la Bithynie, bordée par la Propontide (aujourd’hui mer de Marmara) au nord et par la mer Égée à l’ouest, englobant la Troade, l’Éolide et l’Abrettène. Elle fut successivement dominée par les Phrygiens, les Perses, le royaume de Pergame et Rome qui l’intégra dans sa province d’Asie mineure. Sous la domination romaine, la région achève de s’helléniser et se christianise au 4ème siècle.