Élève des Jésuites [1], l’abbé Desfontaines entra dans leur ordre et enseigna la rhétorique [2] à Bourges [3]. Au bout de 15 ans, il s’ennuya de cette dépendance, les quitta en 1715, et, avec la protection du cardinal Henri-Oswald de La Tour d’Auvergne , obtint la cure de Thorigny [4], en Normandie.
À sa sortie des Jésuites, le cardinal de La Tour d’Auvergne, qui aimait les gens de lettres, le garda quelque temps chez lui. L’obligation de dire la messe et de lire tous les jours son bréviaire parut à Desfontaines une nouvelle dépendance aussi lourde que la première.
Bientôt son amour pour la liberté et un goût très vif pour les lettres l’empêchèrent de remplir ses devoirs de pasteur. Alors il se démit de son bénéfice, pour se consacrer exclusivement aux lettres, ne voulant pas en toucher les revenus, sans le desservir.
Son début dans la carrière des lettres est modeste. Alors qu’il était de coutume de se signaler dans le Parnasse par une tragédie et souvent même par un poème épique, Desfontaines, par une sage défiance du peu de solidité qui caractérise les débuts ambitieux, rédigea une simple ode sur le mauvais usage qu’on fait de sa vie. En 1724, il devint collaborateur du Journal des “sçavans” [5] et s’efforça d’introduire de l’agrément dans le style de ses articles.
Il publia ensuite, avec divers collaborateurs des recueils périodiques de critique : Le Nouvelliste du Parnasse, Observations sur les écrits modernes. Ces périodiques, composés hâtivement, se signalaient surtout par la vivacité de leurs critiques et leur partialité.
Desfontaines attaqua notamment les œuvres dramatiques de Voltaire , qui l’avait pourtant aidé à le libérer lorsque l’abbé, accusé de sodomie, avait séjourné quelque temps en prison en 1724 et avait également usé de son influence pour l’aider à revenir à Paris dont il avait été un temps exilé.
Voltaire répliqua par un pamphlet cruel intitulé Le Préservatif, ou critique des Observations sur les écrits modernes en 1738.
Desfontaines répondit anonymement la même année par un libelle intitulé La Voltairomanie, qui compilait toutes les anecdotes scandaleuses qui couraient alors contre Voltaire. Ce dernier intenta une action en diffamation qu’il n’abandonna qu’après que Desfontaines eut désavoué l’ouvrage dans la Gazette d’Amsterdam [6] le 4 avril 1739.
La guerre continua pendant plusieurs années, si bien qu’aujourd’hui le souvenir de Desfontaines n’est plus entretenu que par les épigrammes de Voltaire, ainsi que par celles de Alexis Piron , pour une fois d’accord avec Voltaire, qui promit à l’abbé de lui apporter une épigramme tous les matins et tint parole pendant 50 jours.
Il a fait faire quelque progrès à l’art du critique. Il combattit avec succès des opinions dangereuses.