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L’histoire pour le plaisir

Tancrède de Lecce

mardi 2 août 2022, par ljallamion

Tancrède de Lecce (vers 1138-1194)

Roi normand de Sicile

Tancrède est le bâtard du prince Roger de Hauteville dit Roger III d’Apulie , duc d’Apulie [1], fils aîné du roi Roger II de Sicile, et d’ Emma de Lecce , fille du comte Achard II de Lecce  ; il héritera de ce grand-père en 1149 du comté de Lecce*  [2] d’où son nom. Banni un moment du royaume siculo-normand sous le règne houleux du roi Guillaume le Mauvais, il vit à Byzance [3] avec d’autres exilés du royaume.

En 1174, il commande la flotte que son cousin Guillaume II envoie contre l’Égypte. La flotte débarque devant Alexandrie [4] le 28 juillet de la même année et met le siège devant la ville. Une mauvaise coordination avec le royaume de Jérusalem [5], où le roi Amaury 1er vient de mourir, fait que le régent Miles de Plancy n’envoie pas d’armée pour faire diversion. Saladin, qui peut donc consacrer tous ses moyens pour contrer l’invasion, fait détruire les machines de guerre siciliennes le 31 juillet et repousse les Croisés le 2 août.

En 1181, Tancrède est nommé par le roi Guillaume II grand connétable [6] et maître justicier d’Apulie et de la Terre de Labour [7].

Décrit comme étant un bon chef militaire malgré sa petite taille, brave et intelligent, il prétend au trône normand à la mort sans postérité de son cousin le roi Guillaume II en novembre 1189, soutenu par la noblesse contre les prétentions de sa tante la princesse Constance de Hauteville et de son époux Henri Hohenstaufen. Il parvient à se faire couronner roi à Palerme [8] au début de l’année 1190 mais son pouvoir reste cependant très fragile et le roi Tancrède de Sicile doit lutter contre des bandes de rebelles musulmans réfugiés dans les montagnes du centre de la Sicile et soumettre les révoltes de ses vassaux dans ses domaines du continent tout en résistant aux pressions et aux attaques des forces impériales germaniques.

Réfugiée dans Salerne [9], Constance est capturée par les partisans de Tancrède qui la gardent prisonnière d’abord à Palerme, puis à Naples [10]. Il tente vainement de faire reconnaître sa légitimité en faisant couronner son fils Roger III de Sicile et tente même un rapprochement avec l’Empire byzantin [11], demandant la main de la fille du Basileus [12] Isaac II Ange , la princesse Irène Ange pour son jeune fils, mais celui-ci meurt prématurément la même année en décembre 1193.

Il nomme alors son autre fils Guillaume, encore enfant, co-roi et successeur désigné sous le nom de Guillaume III de Sicile , mais Henri le vainc à Catane [13] et Tancrède, abandonné de ses soutiens meurt peu après dans son palais de Palerme le 20 février 1194. Sa mort livre le royaume normand à l’Empire germanique et met fin à la dynastie des Hauteville [14] en Sicile.

L’une des filles de Tancrède de Lecce, Elvire de Lecce ou Marie Albine , reçut certains de ses biens, comme la principauté de Tarente [15] et le comté de Lecce en 1200, mais ils lui furent confisqués en 1205. Le comté de Lecce fut toutefois restitué à ses descendants, les Brienne [16] ducs d’Athènes [17]. Une autre fille, Constanza, épousa le doge de Venise [18], Pietro Ziani.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du livre de John Julius Norwich, The Kingdom in the Sun, 1130-1194. Longmans : Londres, 1970

Notes

[1] La région des Pouilles anciennement l’Apulie, dite plus couramment les Pouilles, est une région d’Italie, située dans le sud-est du pays. Avec la création du royaume de Sicile, les Normands éliminent la présence des Sarrasins et relancent les relations maritimes avec Venise et les villes côtières de la Méditerranée. Cette période voit la vie politique et religieuse de la région totalement réorganisée.

[2] Le comté de Lecce (1055-1463) était un comté normand qui avait Lecce comme capitale, dans le Sud de l’Italie. Il était bordé au nord par Brindisi, Oria et Nardò à l’ouest et Soleto et Otrante au sud. Les Normands entreprirent de conquérir les terres de Salento en 1055 menés par des chefs tel que Godefroi de Hauteville, Robert Guiscard qui en 1058 n’avaient pas encore pris Nardò et Lecce. En 1088 fut fondée la Principauté de Tarente, attribué à l’époque à Bohémond de Hauteville et comprenait Oria, Gallipoli et Otrante.

[3] Byzance est une ancienne cité grecque, capitale de la Thrace, située à l’entrée du Bosphore sous une partie de l’actuelle Istanbul. La cité a été reconstruite par Constantin 1er et, renommée Constantinople en 330, elle est devenue la capitale de l’Empire romain, puis de l’Empire romain d’Orient et enfin de l’Empire ottoman à partir de 1453 date de la prise de la ville par les Turcs. Elle fut rebaptisée Istanbul en 1930.

[4] Alexandrie est une ville en Égypte. Elle fut fondée par Alexandre le Grand en -331 av. jc. Dans l’Antiquité, elle a été la capitale du pays, un grand centre de commerce (port d’Égypte) et un des plus grands foyers culturels hellénistiques de la mer Méditerranée centré sur la fameuse bibliothèque, qui fonda sa notoriété. La ville d’Alexandrie est située à l’ouest du delta du Nil, entre le lac Maréotis et l’île de Pharos. Cette dernière était rattachée à la création de la ville par l’Heptastade, sorte de digue servant aussi d’aqueduc, qui a permis non seulement l’extension de la ville mais aussi la création de deux ports maritimes.

[5] Le royaume de Jérusalem fut fondé par des princes chrétiens à la fin de la première croisade, lorsqu’ils s’emparèrent de la ville. C’est l’un des États latins d’Orient. On peut distinguer plusieurs périodes dans son histoire : celles où le titre de roi de Jérusalem est associé à la mainmise croisée sur la ville (1099-1187 et 1229-1244), et celles où le titre représente le plus haut niveau de suzeraineté des croisés en Terre sainte, mais durant lesquelles la ville en elle-même n’appartient pas aux soldats croisés. Le royaume de Jérusalem fut créé en 1099 après la prise de la ville et ne disparut réellement qu’avec le départ des derniers croisés de Tortose en août 1291, soit moins de deux siècles plus tard.

[6] Tirant son nom de son origine de “comte de l’étable”, le connétable a, au Moyen Âge, la charge de l’écurie et de l’organisation des voyages du roi. Au 14ème siècle, sa fonction évolue vers le commandement de l’armée en temps de guerre et le conseil militaire du roi en temps de paix. Du Guesclin, Clisson, Bourbon… font partie des grands connétables de France. Supprimée en 1627, la charge de connétable est rétablie par Napoléon 1er en 1804 pour son frère Louis.

[7] c’est-à-dire vice-roi sur le continent

[8] Palerme est une ville italienne, chef-lieu et plus grande ville de la région Sicile Elle se situe dans une baie sur la côte nord de l’île.

[9] Salerne, en italien Salerno, est une ville italienne de la province de Salerne en Campanie. Capitale de la principauté de Salerne de 861 à 1076, elle fut prise en 1077 par Robert Guiscard. Choisie par les Normands comme capitale de l’Italie du Sud au 11ème siècle, la ville fut le creuset du style « normand arabo-byzantin » Salerne accueillit la plus ancienne université de médecine d’Europe, la Schola Medica Salernitana, la plus importante source de savoir médical en Europe au début du Moyen Âge.

[10] Naples est une ville d’Italie, chef-lieu de la région de Campanie. L’histoire de Naples s’étend sur plus de 28 siècles. Sous le nom de Parthénope, elle fut fondée durant l’Antiquité par la cité voisine de Cumes. Elle s’étend ensuite rapidement jusqu’à devenir un des principaux centres commerciaux, culturels, philosophiques et politiques de la Grande-Grèce puis de l’Empire romain. Après avoir été brièvement dépendante de l’Empire byzantin, elle devient autonome au sein du duché de Naples. Dès le 13ème siècle et pour ensuite plus de 600 ans, elle devient successivement la capitale du royaume de Naples puis du royaume des Deux-Siciles. Elle reste alors un des principaux centres de développement économiques et technologiques d’Europe jusqu’à son annexion au royaume d’Italie en 1860, date à laquelle elle entame un relatif déclin socio-économique.

[11] L’Empire byzantin ou Empire romain d’Orient désigne l’État apparu vers le 4ème siècle dans la partie orientale de l’Empire romain, au moment où celui-ci se divise progressivement en deux. L’Empire byzantin se caractérise par sa longévité. Il puise ses origines dans la fondation même de Rome, et la datation de ses débuts change selon les critères choisis par chaque historien. La fondation de Constantinople, sa capitale, par Constantin 1er en 330, autant que la division d’un Empire romain de plus en plus difficile à gouverner et qui devient définitive en 395, sont parfois citées. Quoi qu’il en soit, plus dynamique qu’un monde romain occidental brisé par les invasions barbares, l’Empire d’Orient s’affirme progressivement comme une construction politique originale. Indubitablement romain, cet Empire est aussi chrétien et de langue principalement grecque. À la frontière entre l’Orient et l’Occident, mêlant des éléments provenant directement de l’Antiquité avec des aspects innovants dans un Moyen Âge parfois décrit comme grec, il devient le siège d’une culture originale qui déborde bien au-delà de ses frontières, lesquelles sont constamment assaillies par des peuples nouveaux. Tenant d’un universalisme romain, il parvient à s’étendre sous Justinien (empereur de 527 à 565), retrouvant une partie des antiques frontières impériales, avant de connaître une profonde rétractation. C’est à partir du 7ème siècle que de profonds bouleversements frappent l’Empire byzantin. Contraint de s’adapter à un monde nouveau dans lequel son autorité universelle est contestée, il rénove ses structures et parvient, au terme d’une crise iconoclaste, à connaître une nouvelle vague d’expansion qui atteint son apogée sous Basile II (qui règne de 976 à 1025). Les guerres civiles autant que l’apparition de nouvelles menaces forcent l’Empire à se transformer à nouveau sous l’impulsion des Comnènes avant d’être disloqué par la quatrième croisade lorsque les croisés s’emparent de Constantinople en 1204. S’il renaît en 1261, c’est sous une forme affaiblie qui ne peut résister aux envahisseurs ottomans et à la concurrence économique des républiques italiennes (Gênes et Venise). La chute de Constantinople en 1453 marque sa fin.

[12] Basileus signifie « roi » en grec ancien. L’étymologie du mot reste peu claire. Si le mot est originellement grec mais la plupart des linguistes supposent que c’est un mot adopté par les Grecs à l’âge du bronze à partir d’un autre substrat linguistique de Méditerranée orientale, peut-être thrace ou anatolien.

[13] Catane est une ville de la province du même nom en Sicile en Italie. C’est la deuxième ville la plus peuplée de l’île derrière Palerme. Le 4 février 1169, un séisme provoqua la mort de milliers de personnes. L’empereur Frédéric II fit construire le Castello Ursino (fort militaire) entre 1239 et 1250. La ville subit des destructions lors de la guerre des Vêpres siciliennes en 1282. À partir de 1282, sous l’influence aragonaise, Catane devint la capitale du royaume de Sicile. En 1376, les reliques de sainte Agathe furent déposées dans la cathédrale de Catane. La première université sicilienne fut fondée à Catane en 1434.

[14] La Maison de Hauteville est une famille de la noblesse normande issue de Tancrède de Hauteville dont les fils s’établirent à partir des années 1030 dans le sud de l’Italie pour en faire petit à petit la conquête, avant de s’attaquer à la Sicile musulmane. Elle est à l’origine du royaume de Sicile. Une branche de cette famille aurait également fait souche en Angleterre après la Bataille de Hastings en 1066, branche issue d’un petit-fils de Tancrède de Hauteville.

[15] Tarente est un port du sud de l’Italie construit sur le golfe de Tarente. La vieille ville, la città Vecchia, ou encore Borgo Antico, héritière de la colonie spartiate qui fut dans l’Antiquité l’une des cités les plus riches de la Grande Grèce, a été établie sur une île rectangulaire qui commande le chenal d’accès à la rade, appelée Mare Piccolo.

[16] La Maison de Brienne est une maison noble de France, issue de la Champagne, dont plusieurs membres se sont illustrés en France, en Italie et en Orient. La maison de Brienne est une dynastie célèbre dont les comtes remontent jusqu’à Engelbert 1er qui vivait au 10ème siècle sous le règne de Louis IV d’Outremer. Vassaux des comtes de Champagne, leur comté médiéval était centré sur la ville de Brienne-le-Château. Cette maison s’éteignit en 1356, en la personne de Gautier VI, connétable de France.

[17] Le duché d’Athènes était l’un des États des croisés mis en place en Grèce après la quatrième croisade au détriment de l’Empire byzantin. Le duché s’étendait sur l’Attique et la Béotie, mais il est difficile de restituer ses frontières avec précision. L’acropole d’Athènes était le symbole du pouvoir ducal, mais le centre réel du duché était la ville de Thèbes.

[18] Le doge de Venise était le magistrat en chef et le dirigeant de la république de Venise entre 726 et 1797. Les doges étaient élus à vie par l’aristocratie de la cité-État. Il incarne de manière symbolique le bon fonctionnement de l’État.