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Richard FitzGilbert de Clare dit Strongbow ou Arc-Fort

dimanche 6 novembre 2016, par lucien jallamion

Richard FitzGilbert de Clare dit Strongbow ou Arc-Fort (vers 1130-1176)

2ème comte de Pembroke-Lord de Striguil et de Leinster-Seigneur de Bienfaite et d’Orbec

Le mariage d'Aoife et Strongbow par Daniel Maclise ( Galerie nationale d'Irlande à Dublin). Source : wiki /Aoife MacMurrough/ domaine publicIl est l’arrière-petit-fils de Richard Fitz Gilbert, lord de Clare, et le fils de Gilbert de Clare lui aussi surnommé Strongbow, 1er comte de Pembroke [1], et d’Isabelle de Beaumont, fille du comte Robert 1er de Meulan, 1er comte de Leicester [2], et d’Isabelle de Vermandois. Il descendait donc de deux lignées prestigieuses, les Capétiens et les ducs de Normandie.

Il semble qu’il soit déjà majeur à la mort de son père. Il hérite de lui son titre de comte de Pembroke, ses terres en Galles du Sud [3], sa seigneurie galloise de Striguil, ses seigneuries normandes de Bienfaite [4] et d’Orbec [5] ainsi que de ses domaines dans neuf comtés anglais. Ses domaines en Angleterre sont assez importants, puisqu’il doit un service militaire de 65 chevaliers.

Il est loyal au roi Étienne d’Angleterre dans la guerre civile qui marque tout le règne d’Étienne. Il est témoin du traité de Wallingford [6], qui met fin à la guerre civile, fin décembre 1153. Ce soutien lui coûte probablement son titre de comte de Pembroke à l’accession au trône d’Henri II en 1154. Il n’est pas du tout dans la faveur royale, et n’est témoin d’aucune de ses chartes avant 1167 quand il est désigné par lui pour accompagner sa fille Mathilde en Allemagne.

À cette période, il semble qu’il ait de gros problèmes financiers et que son héritage soit largement hypothéqué à ses créanciers. L’Irlande lui offre l’opportunité de les fuir et la possibilité de faire fortune.

En 1166/67, Dermot MacMurrough , roi de Leinster [7], est chassé de son royaume par le roi suprême d’Irlande [8] Ruaidri O’Connor . Il vient en Angleterre solliciter l’aide d’Henri II.

Depuis le début de son règne, les ecclésiastiques d’Angleterre pressent ce dernier d’envisager l’extension de sa domination sur le Royaume d’Irlande [9]. La sollicitation de Dermot MacMurrough arrive donc à point nommé, et Henri II lui donne l’autorisation de recruter des troupes. Strongbow obtient alors d’Henri II la permission de se rendre en Irlande, mais apparemment avec réticence. D’après le chroniqueur Guillaume de Newburgh , le jour de son embarquement pour l’île, des messagers du roi arrivent pour lui notifier que le roi a changé d’avis, et qu’il annule sa permission, le menaçant de lui confisquer ses domaines. Strongbow décide de passer outre.

Raymond FitzGerald dit le Gros , un des lieutenants de Strongbow, a déjà débarqué en mai 1170 avec des troupes. Strongbow arrive à un accord avec le roi irlandais, et celui-ci lui promet la main de sa fille Aiofe, et une possible succession sur le trône de Leinster. Il débarque en août 1170 avec 200 chevaliers et environ un millier de soldats. Il est rejoint par les troupes de son lieutenant, et ils prennent ensemble la ville de Waterford [10].

C’est dans cette dernière ville que Strongbow épouse la fille de MacMurrough. Pour cela, il a dû obtenir l’accord d’Henri II, car il est un vassal direct. C’est peut-être cette perspective qui a rendu le roi hostile à son encontre vers 1168. D’un autre côté, Strongbow a de quoi être peu satisfait lui aussi, car le roi ne lui a toujours pas donné à épouser de femme correspondant à son statut de vassal direct.

Henri II, se rendant alors compte que ses barons pourraient devenir très puissants et indépendants, est poussé à réagir. Dès l’hiver 1170-1171, il fait fermer les ports vers l’Irlande et ordonne à ceux qui y sont partis sans sa permission de revenir avant le printemps, sous peine de saisie de leurs terres. Strongbow envoie Raymond le Gros à la cour du roi avec pour objectif d’obtenir qu’il puisse tenir ses nouveaux domaines irlandais directement d’Henri II. Mais ce dernier tarde à prendre une décision, et Raymond le Gros retourne en Irlande avant la fin de l’année.

Au moment de la mort de Dermot MacMurrough en mai 1171, sa mainmise sur le Leinster est restaurée. Strongbow, ayant épousé sa fille en 1170, revendique logiquement le trône. La mort de MacMurrough est le signal de départ d’un soulèvement général des Irlandais. Waterford est reprise, Dublin est assiégée de juillet à août 1171. Mais l’armée de Ruaidri O’Connor , roi de Connacht [11], pourtant bien supérieure en nombre, est mise en déroute par la supériorité au combat des Normands. Ceux-ci, alors qu’ils n’ont plus de vivres pour tenir le siège et que les négociations ont échoué, font une sortie avec trois contingents et balayent les assiégeants. Dans la foulée, ils vont au secours de la garnison de Wexford.

Sur le chemin, ils défont une armée d’hommes du Leinster et tuent le roi de Uí Dróna. Des messagers les informent que la ville a été brûlée, et ils font alors route vers Waterford où se trouve Hervey de Montmorency, qui revient de la cour d’Henri II. Celui-ci informe Strongbow que le roi refuse de lui rendre ses terres en Angleterre et en Normandie. Henri II ne veut pas faire d’autre concession que de le reconnaître sénéchal [12] de toute l’Irlande.

Strongbow est persuadé par ses lieutenants qu’il serait préférable qu’il rencontre directement le roi pour négocier. La rencontre a lieu à Newnham [13], alors que le roi se prépare à débarquer en Irlande. Après de longues discussions, Strongbow concède au roi toutes les villes côtières, Dublin et ses environs, et toutes les places fortes. En retour, il reçoit la concession de toutes les autres terres conquises comme vassal direct du roi.

Le 18 octobre 1171, Henri II débarque à Waterford avec une grande armée. Strongbow lui donne le contrôle des villes comme conclu, et le roi y met en poste des hommes à lui. Il rend hommage pour ses terres irlandaises, et est confirmé dans son contrôle du Leinster. Il semble qu’à cette période, où peut-être durant les négociations à Newnham, Strongbow obtient le retour de son statut de comte. Juste avant le voyage de retour en Angleterre du roi, il est désigné comme comte Richard dans une de ses chartes royales, ce qui n’était pas encore arrivé depuis le début du règne d’Henri II.

Strongbow est convoqué par le roi pour combattre en Normandie durant la révolte de ses fils en 1173. Il commande la place-forte de Gisors [14], et est présent au siège de Verneuil [15]. Pendant son absence, il y a plusieurs révoltes irlandaises, et au Pays de Galles, les Gallois font une percée dans sa seigneurie de Striguil et atteignent même le château de Chepstow [16].

Quand il revient en Irlande à l’automne 1173, le roi lui a confié la garde du royaume d’Irlande, ainsi que Dublin et Waterford. Dans les chartes de cette période, il se présente comme vice-roi d’Irlande. Un peu plus tard, le roi lui confie aussi la ville de Wexford. En 1174, l’armée qu’il conduit dans le Munster [17] est sévèrement battue, et doit se réfugier à Waterford. Avec l’aide de Raymond le Gros, ils réduisent et pacifient la résistance irlandaise, et ce n’est pas avant 1175 qu’ils peuvent partager les terres entre leurs principaux vassaux. Strongbow est à Windsor, le 6 octobre 1175, pour la signature du traité de Windsor [18] entre Henri II et le haut-roi Ruaidri O’Connor.

Il meurt en 1176 alors que ses troupes menées par Raymond le Gros viennent de défaire les assiégeants de la ville de Limerick [19]. Il est inhumé dans la cathédrale de la Sainte-Trinité de Dublin [20].

Strongbow a fondé un couvent à Usk [21], et fut le bienfaiteur de plusieurs maisons ecclésiastiques en Normandie, Angleterre, Pays de Galles et Irlande.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de M. T. Flanagan, « Clare, Richard fitz Gilbert de, second earl of Pembroke (c.1130–1176) », Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, 2004.

Notes

[1] Le titre de comte de Pembroke, associé au château de Pembroke dans le Pays de Galles, fut créé par le roi Étienne d’Angleterre probablement en 1138. Le titre a été recréé neuf fois ensuite, toujours dans la pairie d’Angleterre.

[2] Le titre de comte de Leicester fut créé au 12ème siècle dans la pairie d’Angleterre (aujourd’hui éteinte), et est dorénavant un titre de la pairie du Royaume-Uni, créée en 1837. Le siège du comte est à Holkham Hall, près de Wells-next-the-Sea (Norfolkshire).

[3] Le pays de Galles du Sud est l’une des quatre régions, non officielles, du pays de Galles. Il recouvre approximativement les comtés traditionnels de Glamorganshire et de Monmouthshire. Cardiff, Newport et, parfois, Swansea sont incluses dans la Galles du Sud. Elle est bordée à l’est et au sud par l’Angleterre et le canal de Bristol, au nord par la Galles du centre et à l’ouest par la Galles de l’Ouest.

[4] Saint-Martin-de-Bienfaite-la-Cressonnière est une commune française, située dans le département du Calvados. La commune est au cœur du pays d’Auge. Le bourg de Saint-Martin-de-Bienfaite est à 4,5 km au nord-ouest d’Orbec et à 16 km au sud-est de Lisieux.

[5] Orbec est une commune française, située dans le département du Calvados en région Basse-Normandie

[6] Le traité de Wallingford est un accord conclu le 6 novembre 1153 entre le roi Étienne d’Angleterre et Henri Plantagenêt, duc de Normandie, comte d’Anjou et du Maine, fils de Mathilde l’Emperesse et futur Henri II d’Angleterre. Le traité mit fin à la guerre civile créée par la dispute pour la couronne d’Angleterre qui durait depuis 1135. Il est parfois aussi appelé traité de Winchester ou traité de Westminster, car bien qu’initié à Wallingford, il a été formellement écrit à Winchester (Angleterre) et finalisé à l’abbaye de Westminster.

[7] Les rois de Leinster, gouvernèrent la province irlandaise de Leinster jusqu’en 1632

[8] La souveraineté suprême de l’Irlande est une construction littéraire du Moyen Âge. La liste conventionnelle des individus ayant porté le titre de ard rí Érenn (« haut-roi d’Irlande » ou « roi suprême d’Irlande ») emprunte autant à la mythologie et à la légende qu’à l’histoire.

[9] Par la bulle Laudabiliter, le pape Adrien IV, un Anglais, céda l’île d’Irlande à la monarchie anglaise au 12ème siècle en tant que possession féodale, ce qui permit à cette monarchie de régir cette contrée. Mais l’Irlande demeurait théoriquement un domaine papal. Après l’excommunication d’Henry VIII en 1533, le statut constitutionnel de l’autorité anglaise sur l’Irlande devenait caduc. Henri VIII s’était séparé du Vatican et s’était proclamé chef de la nouvelle Église d’Angleterre afin de s’autoriser le divorce que le pape Clément VII lui avait refusé. Pour cette raison, Henri ne pouvait plus reconnaître la souveraineté formelle de l’Église catholique romaine sur l’Irlande. Pour trancher cette question, Henri se proclama roi d’Irlande par un décret voté par le Parlement d’Irlande en 1541.

[10] La ville de Waterford est la capitale du comté de Waterford en Irlande. C’est la principale ville de la région sud-est, et la cinquième du pays. Fondée en 914 par les Vikings, c’est la plus ancienne cité de l’île.

[11] Les rois de Connacht étaient les souverains de la province du Connacht, qui se trouve à l’ouest du fleuve côtier Shannon. Ce nom ne lui fut appliqué qu’au début du Moyen Âge d’après le nom de la dynastie régnante des Connachta. Après la première intervention des barons anglo-normands en Irlande Guillaume du Bourg reçoit vraisemblablement le titre de « seigneur de Connaught » mais il ne peut pas prendre possession de son domaine qui demeure entre les mains des Uí Conchobair jusqu’en 1224/1235. À cette date Richard Mor de Burgh se prévalant des droits de son père réclame l’investiture sur le Connacht. Il reçoit l’appui de son parent Hubert de Burgh qui est « Justicier d’Irlande » et qui l’autorise à effectuer une levée féodale parmi les barons normands pour conquérir le Connacht à partir de 1227. Après avoir vaincu Felim mac Cathal Crobderg Ua Conchobair roi de Connacht issu des Uí Conchobair qui ne conserve plus comme vassal du roi d’Angleterre que cinq cantons de son ancien royaume Richard de Burgh se proclama seigneur de Connaught en 1235.

[12] Un sénéchal est un officier au service d’un roi, prince ou seigneur temporel. Le mot sénéchal est d’origine francique et est issu du germanique commun sini-skalk, qui signifie « doyen des serviteurs, chef des serviteurs ». Il peut être aussi, comme dans le Saint Empire romain germanique, au service d’une abbaye, souvent immédiate, où cette fonction devient un titre honorifique héréditaire par la suite. Il existait plusieurs rangs de sénéchaux, sans lien juridique entre eux, dans les institutions féodales européennes d’origine médiévale.

[13] Gloucestershire

[14] e château de Gisors est un ancien château fort des 11 et 12ème siècles dont les vestiges se dressent sur la commune de Gisors dans le département de l’Eure et la région Haute-Normandie.

[15] La bataille de Verneuil fut une bataille de la guerre de Cent Ans, qui se déroula le 17 août 1424, à 3 km au nord de Verneuil, à proximité du Château de Charnelles, en Normandie. Elle se solda par une victoire de l’armée anglaise.

[16] Chepstow est une ville du pays de Galles située au sud du pays dans le comté du Monmouthshire. La ville, qui est toujours en partie entourée de murailles, descend en pente raide de la grande porte jusqu’à l’ancien passage sur la Wye où John Rennie construisit un pont en fer en 1816.

[17] Situé au sud-ouest de l’île, le Munster (en irlandais An Mhumhain) (en latin Momonia), est l’une des quatre provinces d’Irlande. Le Munster est la plus grande des provinces d’Irlande, et celle qui est placée le plus au sud. Sa plus grande cité est Cork.

[18] Le traité de Windsor fut signé le 6 octobre 1175 à Windsor dans le Berkshire entre le roi Henri II et le haut-roi Ruaidri O’Connor. Il s’agissait d’un accord territorial conclu pendant l’expansion normande en Irlande. Globalement, ce traité laissait à Ruaidri un royaume composé de régions d’Irlande extérieures au Leinster, au comtés de Meath et de Waterford, qui avaient été accordés aux barons anglo-normands, tant qu’il paierait un tribut à Henri II. Ce traité consacrait la suzeraineté du seigneur d’Irlande, Henri II, sur le titre irlandais de haut-roi, qui tomba alors en désuétude.

[19] Limerick est la troisième ville en population de l’Irlande après Dublin et Cork et la principale de la façade ouest. Elle est située sur une île et le long du fleuve Shannon, dans le comté auquel elle donne son nom.

[20] La cathédrale Christ Church ou cathédrale de la Sainte-Trinité de Dublin est une cathédrale anglicane irlandaise. Elle est la plus ancienne des deux cathédrales de la ville. Henri II assista aux cérémonies de Noël dans la cathédrale en 1171. Selon le guide de la cathédrale, ce fut la première fois qu’il communia depuis l’assassinat de Thomas Beckett à Cantorbéry par ses chevaliers servants. Dans les années suivantes, Strongbow et d’autres dirigeants anglo-normands financèrent la complète reconstruction de Christ Church ; il fut ajouté le chœur et ses bas-côtés, le transept, la crypte, et les chapelles à saint Edmond, sainte Marie et saint Lô. Une chapelle dédiée à saint Laurent O’Toole fut ajoutée dans les années 1200. La nef existante date en grande partie des années 1230.

[21] Pays de Galles