Cinquième roi des Ghassanides [1] portant ce nom, il joua un rôle important dans les guerres contre l’Empire sassanide et dans les affaires de l’Église monophysite syriaque [2]. Pour ses services rendus à l’Empire byzantin, il fut fait patrice et gloriosissimus, parmi les plus hautes dignités après celle d’Empereur.
Fils de Jabalah IV et frère d’Abu Karib, phylarque [3] de Palestine. Il devint roi des Ghassanides et phylarque d’Arabia Petrae [4] et de Palestine probablement en 528 après la mort de son père à la bataille de Thannuris.
Peu après vers 529, il fut élevé par l’empereur Justinien 1er, selon les mots de l’historien Procope, à la dignité de roi, devenant le commandant général de tous les alliés arabes de l’Empire [5] à l’est avec le titre de patrikios [6]. Sa véritable aire de contrôle doit cependant avoir été initialement limitée à la partie nord-est de la frontière byzanto-arabe.
À cette période, les Byzantins et leurs alliés arabes étaient en guerre contre l’Empire sassanide et leurs propres alliés arabes, les Lakhmides [7]. Par l’élévation d’Harith, Justinien tentait de créer un homologue au puissant chef lakhmide Mundhir qui contrôlait les tribus arabes alliées aux Perses.
À ce titre, Harith combattit au côté des Byzantins lors de toutes leurs guerres contre la Perse. Déjà en 528, il fut l’un des commandants envoyés dans une expédition punitive contre Mundhir. En 529, il réprima la large révolte des Samaritains [8] en Palestine, capturant 20 000 garçons et filles qu’il vendra comme esclaves. C’est peut-être l’intervention réussie de Harith dans ce conflit qui conduisit Justinien à le promouvoir au titre de phylarque suprême. Il est possible qu’il prit part avec ses hommes à la victoire byzantine de Dara [9] en 530.
En 531, il conduisit un contingent fort de 5 000 Arabes à la bataille de Callinicum [10]. Procope, un historien hostile au chef ghassanide, raconte que les Arabes, qui couvraient la droite des Byzantins, les trahirent et s’enfuirent, leur coûtant la bataille. Selon Jean Malalas , dont les témoignages sont généralement plus fiables, bien que quelques Arabes s’enfuirent en effet, Harith tint sa position.
L’accusation de trahison proférée par Procope semble être par ailleurs affaiblie par le fait que, contrairement à Bélisaire, Harith garda son commandement et fut actif lors d’opérations autour de Martyropolis [11] plus tard dans l’année.
En 537/538 ou 539, il entra en conflit avec Mundhir des Lakhmides au sujet de droits de pâturage sur des terres au sud de Palmyre [12], près de l’ancienne Strata Diocletiana [13].
D’après les récits de Tabari , plus tardifs, le roi ghassanide envahit le territoire de Mundhir et en rapporta un riche butin. L’empereur persan, Khosro 1er, utilisa ce conflit comme prétexte pour relancer les hostilités contre les Byzantins et une nouvelle guerre débuta en 540.
Dans la campagne de 541, Harith et ses hommes, accompagnés par 1 200 Byzantins sous les ordres des généraux Jean le Glouton et Trajan, furent envoyés par Bélisaire mener un raid en Assyrie. L’expédition fut couronnée de succès, pénétrant profondément dans le territoire ennemi et amassant un riche butin.
Cependant, à un certain point, le contingent byzatin fut renvoyé. Harith fut alors incapable de rencontrer ou informer Bélisaire de sa position. Pour Procope, ceci en plus de l’émergence d’une maladie au sein des troupes, força Bélisaire à battre en retraite. L’historien prétend de plus que tout ceci fut fait délibérément pour que les Arabes n’aient pas à partager leur butin. Cependant, dans son Histoire secrète, Procope donne une autre explication à l’inaction de Bélisaire, sans aucun rapport avec le roi des Ghassanides. Vers 544/545, Harith fut impliqué dans un conflit armé avec un autre phylarque arabe, al-Aswad.
Bien que les deux grands empires étaient en paix en Mésopotamie après la trêve de 545, le conflit entre leurs alliés arabes continua. Lors d’un raid, Mundhir captura l’un des fils d’Harith et le fit sacrifier. Peu après cependant, les Lakhmides subirent une lourde défaite lors d’une bataille rangée entre les deux armées arabes, mais les raids se poursuivirent en Syrie.
Lors de l’un de ces raids, en juin 554, Harith rencontra Mundhir à la décisive bataille de Yawm Halima, célébrée dans la poésie arabe préislamique, près de Chalcis [14]. Les Lakhmides furent vaincus, Mundhir tué sur le champ de bataille et Harith y perdit son fils aîné Jabalah.
En novembre 563, Harith se rendit à Constantinople et y rencontra l’empereur Justinien afin de discuter de sa succession et des raids contre ses domaines conduits par le nouveau chef des Lakhmides, ‘Amr III , qui était en fait soudoyé par Justinien.
Quand Al-Harith mourut en 569 lors d’un tremblement de terre, son fils al-Mundhir lui succéda. Décidant d’en tirer avantage, le nouveau roi des Lakhmides Qabus lança une attaque, mais fut battu.
Contrairement à ses suzerains byzantins, Harith était un monophysite [15] convaincu qui rejetait le concile de Chalcédoine [16]. Durant son règne, il soutint les tendances anti-chalcédoniennes en Syrie, présidant les conciles d’Église et s’engageant en théologie, et contribua activement au renouveau de l’Église monophysite au cours du 6ème siècle.
En 542, après deux décennies de persécutions qui ont décapité le clergé monophysite, il demanda à l’impératrice Théodora, dont les penchants monophysites étaient bien connus, d’autoriser la consécration de nouveaux évêques. L’impératrice accéda à la demande et fit consacrer comme évêques Jacques Baradée et Théodore. Jacques s’avéra être un leader tout à fait capable, convertissant des païens et étendis et renforçant grandement l’organisation de l’Église monophysite.