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Bardesane d’Édesse ou Bar-Daïsan

mardi 16 février 2016, par lucien jallamion

Bardesane d’Édesse ou Bar-Daïsan (154-222)

Philosophe et poète chrétien de Syrie

Province romaine de SyrieNé à Édesse [1], ses parents étaient originaires, soit de Mabboug [2], soit d’Erbil [3]. C’est à Mabboug qu’il aurait suivi une formation religieuse auprès d’un prêtre d’un culte païen appelé Anuduzbar ou cette ville possédait un grand sanctuaire de la déesse Atargatis . À l’âge de 25 ans, il aurait été envoyé à Édesse par ce prêtre pour y remplir une mission, et s’y serait converti au christianisme en entendant un évêque nommé Hystaspe commenter les Écritures.

Il devint alors diacre ou presbytre [4] dans l’église de la ville. Il suivit certainement un enseignement de philosophie grecque, probablement dans une des deux grandes villes helléniques de Syrie, Antioche [5] ou Apamée [6]. D’autre part il avait été formé à l’astrologie traditionnelle des Babyloniens, pratiquée à l’époque par des spécialistes qu’on appelait les Chaldéens et qui ne se distinguaient plus guère des Mages iraniens.

Comme on sait que chez les Chaldéens aussi bien que chez les Mages les connaissances religieuses se transmettaient seulement de père en fils, on peut penser que le père de Bardesane était lui-même un Chaldéen. En tout cas, les trois arrière-plans de sa pensée sont : le christianisme, la philosophie grecque, la religion astrologique mésopotamienne.

Édesse était à cette époque la capitale du petit royaume d’Osroène [7], dont presque tous les souverains s’appelaient Abgar. Julius Africanus, officier de l’armée de l’empereur Septime Sévère, affirme avoir rencontré Bardesane à la cour d’un roi Abgar, probablement Abgar IX, lequel se serait converti au christianisme vers 204, devenant le premier roi chrétien connu.

Bardesane avait à cette cour la réputation d’être un archer virtuose, capable de dessiner la figure d’un garçon sur un bouclier avec des flèches tirées de loin. Cette pratique du tir à l’arc illustre les fortes influences iraniennes qui s’exerçaient dans cette cour royale sémitique, et montre aussi que Bardesane avait reçu une éducation aristocratique.

Éphrem le Syrien rapporte qu’il vécut dans le luxe, s’habillant de caftans sertis d’émeraudes. L’évêque Abercius d’Hiérapolis , qui rencontra Bardesane, nota qu’il se distinguait par sa noblesse et sa richesse.

En 217, après la suppression du royaume d’Osroène par Caracalla, il aurait été forcé de se réfugier un moment à Ani [8], en Arménie.

Bardesane adhéra à une forme de christianisme très différente de celle qui devint officielle sous l’empereur Constantin. Il est dénoncé avec virulence comme hérétique, voire comme païen, par Éphrem le Syrien, qui consacra beaucoup d’efforts à combattre son influence. D’autres auteurs ecclésiastiques, mais pas Éphrem, affirment qu’il aurait adhéré à la secte gnostique de Valentin, mais ce qu’on connaît de sa pensée n’est pas gnostique. Éphrem lui reproche essentiellement de s’intéresser trop à l’astrologie et de nier la résurrection des corps.

En tout cas il fut lui-même à l’origine d’une nouvelle secte appelée les bardesanites, qui dura plusieurs siècles. Encore au temps de l’évêque Rabbula d’Édesse au 5ème siècle, elle rassemblait les gens les plus importants de la ville, et des auteurs parlent de bardesanites au moins jusqu’aux 7ème et 8ème siècles.

Cette hétérodoxie [9] explique que presque tous ses écrits aient disparu, malgré sa grande importance dans l’histoire de la culture de langue syriaque : il aurait été le premier écrivain dans cette langue, et d’autre part, en matière de liturgie, on lui attribue l’invention du chant responsorial [10], avec un refrain repris par la foule des fidèles. Plusieurs auteurs chrétiens, notamment de langue syriaque, de l’Antiquité tardive et du Moyen Âge, parlent de Bardesane, et parfois le citent assez longuement, si bien que la tradition permet de se faire une idée de sa doctrine.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Javier Teixidor, Bardesane d’Édesse : philosophe syriaque et stoïcien chrétien, dans Les premiers temps de l’Église, dir. Marie-Françoise Baslez, Folio histoire, Gallimard, 2004.

Notes

[1] Şanlıurfa souvent appelée simplement Urfa est une ville du sud-est de la Turquie. Elle fut d’abord nommée Urhai puis Édesse (ou Édessa), puis Urfa et aujourd’hui Şanlıurfa ou Riha en kurde. Le nom antique d’Édesse est Osroé, qui provient peut-être du nom du satrape Osroès qui gouverna la région. Selon la légende, Adam et Ève séjournèrent dans la cité, qui serait la ville natale d’Abraham et qui abriterait la tombe de sa femme Sarah.

[2] Manbij, l’ancienne Mabbog, appelée Hiérapolis Bambyce par les Grecs à l’époque séleucide, ou Hiérapolis de Syrie pour la distinguer de Hiérapolis de Phrygie, est une ville du gouvernorat d’Alep, en Syrie. Elle était le lieu d’un important sanctuaire dédié à la déesse syrienne Atargatis, la Dea Syria dont le culte est rapporté par Lucien de Samosate dans son livre De Dea Syria.

[3] Erbil est la capitale de la région autonome du Kurdistan, région fédérale autonome du nord de l’Irak. Elle est aussi la capitale de la province d’Erbil. Elle se trouve à 77 kilomètres à l’est de Mossoul.

[4] Le presbytre désigne l’« ancien » ou l’ « aîné » en grec classique avant de désigner une fonction de responsable et de conseiller de communauté dans les premières communautés chrétiennes. Il est à l’origine du mot actuel « prêtre ».

[5] Antioche est une ville de Turquie proche de la frontière syrienne, chef-lieu de la province de Hatay. Elle est située au bord du fleuve Oronte. Antioche était la ville de départ de la route de la soie.

[6] Apamée, actuellement Qal`at al-Madhīq est un site archéologique en Syrie, située près de l’Oronte, à 55 km au nord-ouest de Hama.

[7] L’Osroène, parfois épelé « Osrohène » ou « Osrhoène », est une région du sud-est de l’Asie Mineure (nord-ouest de la Mésopotamie), bornée au nord par les Monts Taurus, au sud et à l’est par le Chaboras (rivière Khabur), à l’ouest par l’Euphrate, et qui eut pour capitale Édesse (nom moderne Şanlıurfa, Turquie).

[8] Ani est située dans la province turque de Kars, juste au sud de la frontière arménienne. Elle se trouve près de la ville d’Ocaklı et de l’Akhourian, un affluent de l’Araxe, qui forme la frontière entre l’Arménie et la Turquie. Aujourd’hui en ruine, la ville fut la capitale de l’Arménie vers l’an mille, et elle est d’ailleurs surnommée « Capitale de l’an mille » et la « ville aux mille et une églises ».

[9] Le terme « hétérodoxe » vient du grec héteros (autre) et dóxa (opinion). Au sens littéral, il signifie donc « qui pense d’une autre manière (que la manière habituelle, dominante) ». C’est dans le domaine religieux, en particulier par rapport au christianisme orthodoxe, que le mot "hétérodoxe" prend son sens. Mais lorsque le monde occidental se sécularise, il s’applique à différents domaines de la vie publique, en premier lieu l’économie.

[10] Se dit d’un air, d’un chant alterné entre deux chœurs ou entre un chœur et un soliste.