Né à Édesse [1], ses parents étaient originaires, soit de Mabboug [2], soit d’Erbil [3]. C’est à Mabboug qu’il aurait suivi une formation religieuse auprès d’un prêtre d’un culte païen appelé Anuduzbar ou cette ville possédait un grand sanctuaire de la déesse Atargatis . À l’âge de 25 ans, il aurait été envoyé à Édesse par ce prêtre pour y remplir une mission, et s’y serait converti au christianisme en entendant un évêque nommé Hystaspe commenter les Écritures.
Il devint alors diacre ou presbytre [4] dans l’église de la ville. Il suivit certainement un enseignement de philosophie grecque, probablement dans une des deux grandes villes helléniques de Syrie, Antioche [5] ou Apamée [6]. D’autre part il avait été formé à l’astrologie traditionnelle des Babyloniens, pratiquée à l’époque par des spécialistes qu’on appelait les Chaldéens et qui ne se distinguaient plus guère des Mages iraniens.
Comme on sait que chez les Chaldéens aussi bien que chez les Mages les connaissances religieuses se transmettaient seulement de père en fils, on peut penser que le père de Bardesane était lui-même un Chaldéen. En tout cas, les trois arrière-plans de sa pensée sont : le christianisme, la philosophie grecque, la religion astrologique mésopotamienne.
Édesse était à cette époque la capitale du petit royaume d’Osroène [7], dont presque tous les souverains s’appelaient Abgar. Julius Africanus, officier de l’armée de l’empereur Septime Sévère, affirme avoir rencontré Bardesane à la cour d’un roi Abgar, probablement Abgar IX, lequel se serait converti au christianisme vers 204, devenant le premier roi chrétien connu.
Bardesane avait à cette cour la réputation d’être un archer virtuose, capable de dessiner la figure d’un garçon sur un bouclier avec des flèches tirées de loin. Cette pratique du tir à l’arc illustre les fortes influences iraniennes qui s’exerçaient dans cette cour royale sémitique, et montre aussi que Bardesane avait reçu une éducation aristocratique.
Éphrem le Syrien rapporte qu’il vécut dans le luxe, s’habillant de caftans sertis d’émeraudes. L’évêque Abercius d’Hiérapolis , qui rencontra Bardesane, nota qu’il se distinguait par sa noblesse et sa richesse.
En 217, après la suppression du royaume d’Osroène par Caracalla, il aurait été forcé de se réfugier un moment à Ani [8], en Arménie.
Bardesane adhéra à une forme de christianisme très différente de celle qui devint officielle sous l’empereur Constantin. Il est dénoncé avec virulence comme hérétique, voire comme païen, par Éphrem le Syrien, qui consacra beaucoup d’efforts à combattre son influence. D’autres auteurs ecclésiastiques, mais pas Éphrem, affirment qu’il aurait adhéré à la secte gnostique de Valentin, mais ce qu’on connaît de sa pensée n’est pas gnostique. Éphrem lui reproche essentiellement de s’intéresser trop à l’astrologie et de nier la résurrection des corps.
En tout cas il fut lui-même à l’origine d’une nouvelle secte appelée les bardesanites, qui dura plusieurs siècles. Encore au temps de l’évêque Rabbula d’Édesse au 5ème siècle, elle rassemblait les gens les plus importants de la ville, et des auteurs parlent de bardesanites au moins jusqu’aux 7ème et 8ème siècles.
Cette hétérodoxie [9] explique que presque tous ses écrits aient disparu, malgré sa grande importance dans l’histoire de la culture de langue syriaque : il aurait été le premier écrivain dans cette langue, et d’autre part, en matière de liturgie, on lui attribue l’invention du chant responsorial [10], avec un refrain repris par la foule des fidèles. Plusieurs auteurs chrétiens, notamment de langue syriaque, de l’Antiquité tardive et du Moyen Âge, parlent de Bardesane, et parfois le citent assez longuement, si bien que la tradition permet de se faire une idée de sa doctrine.