Né à Poitiers, il étudie dans les écoles de cette ville, à la tête desquelles se trouve Hilaire de Poitiers, puis aux écoles de Chartres [1], avec pour maître, Bernard de Chartres , puis à Laon [2], où il sera l’élève d’Anselme et Raoul ou Radulphe. Il se fait remarquer par l’étendue à la subtilité de son esprit à chacune de ses apparitions.
De retour à Chartres, il enseigne la philosophie pendant une quinzaine d’années, où il obtient le titre de chancelier. Il y fut considéré rapidement comme un maître important et s’éleva contre les paresseux ou les arrivistes qui considéraient la durée de l’étude trop longue et leur conseillait de se faire boulanger. Il enseigne l’année suivante à l’Université de Paris [3], avec Jean de Salisbury pour élève.
Il participe au concile de Sens [4] en 1141, à l’issue duquel Abélard fut censuré. On dit que l’accusé, l’ayant aperçu, lui lança ce vers d’Horace “Nam tua res agitur, paries cum proximus ardet” [5]. Placé ensuite à la tête de l’école de Saint-Hilaire de Poitiers, il se voit confier, en 1142, le gouvernement du diocèse du même nom.
En plein synode, au cours d’un sermon, il produit sur la Sainte Trinité des propositions qui choquent la foi commune. Deux archidiacres du diocèse croient devoir soumettre ces propositions au Saint-Siège. Ils s’appellent Arnaud et Calon. Ils partent pour l’Italie et rencontrent à Sienne [6] le pape Eugène III. Celui-ci, forcé de s’éloigner de Rome devant la révolte suscitée par Arnaud de Brescia, avait pris le chemin de la France.
Un concile est ouvert à Paris après les fêtes de Pâques 1147, auquel participent le Pape et plusieurs cardinaux. Bernard de Clairvaux y remplit contre Gilbert le rôle qu’il avait rempli à Sens contre Abélard. Sous la pression de Bernard de Clairvaux et du pape Eugène III, il voit quatre de ses propositions condamnées. La discussion dure plusieurs jours, mais le Pape remet la décision au concile qui se tiendra à Reims l’année suivante.
À ce concile, ouvert à Reims dans la “salle du Tau” de l’évêché et non à la cathédrale le 21 mars 1148, sont présents des cardinaux, des évêques de France, d’Allemagne, d’Angleterre, d’Espagne, et parmi les docteurs, Pierre Lombard et Robert de Melun .
Les quatre thèses incriminées, qui avaient été publiées dans un commentaire sur Boèce sont condamnées au cours du concile, mais Gilbert se rétracte.
Plus généralement, Bernard lui reprochait une approche trop dialectique et philosophique de la Trinité et des mystères, comme il en avait été pour Abélard au concile de Sens, huit ans plus tôt.
Le pape condamne les quatre articles et ordonne la correction de l’ouvrage incriminé. Gilbert est acquitté, et se réconcilie avec les archidiacres qui l’ont dénoncé, dont l’un, Calon, deviendra son successeur immédiat sur le siège de Poitiers.
Gilbert meurt en 1154, dans sa ville épiscopale, avec la réputation d’homme religieux et savant. Il est inhumé dans l’église de Saint-Hilaire.