Son père Guillaume II meurt en 1096. Il s’était révolté contre le roi d’Angleterre Guillaume le Roux. Défait, il doit subir un duel judiciaire qu’il perd face à Geoffroi Baynard. En conséquence, le roi le condamne à l’aveuglement et à l’émasculation. Il ne survit que peu de temps à ses blessures.
Étant son fils aîné, Henri d’Eu lui succède comme comte d’Eu et lord du rape [1] d’Hastings [2]. En 1101, il semble soutenir le duc de Normandie Robert Courteheuse contre son frère Henri Beauclerc qui vient de ravir le trône anglais.
Par la suite, il épouse la cause de Guillaume Cliton, le fils du duc Robert et de la coalition composée des comtes Baudouin VII de Flandre et Foulque V d’Anjou, et du roi Louis VI le Gros. Vers 1117, le roi Henri 1er d’Angleterre le fait arrêter à Rouen avec Hugues de Gournay. Il ne les fait libérer que sur l’insistance de Guillaume II de Warenne , et sur la promesse de leur bon comportement. Pourtant cela n’empêche pas les deux hommes, accompagnés d’Étienne d’Aumale, de devenir les meneurs de la rébellion dans le nord-est du duché et de soutenir militairement le comte Baudouin de Flandre.
La rébellion dans cette partie du territoire s’arrête en septembre 1118, quand le comte Baudouin est gravement blessé. Henri d’Eu revient alors aux côtés du roi Henri 1er. Le comte Baudouin meurt en juin 1119. Son cousin et successeur Charles le Bon choisit de rester en paix avec son voisin.
Quelques mois plus tard, le 20 août 1119, Henri est l’un des nombreux barons qui accompagnent Henri 1er lorsqu’une rencontre fortuite des armées royales normandes et françaises donne lieu à la bataille de Brémule [3]. Les Français sont balayés, et Louis VI doit s’enfuir et se réfugier dans la forteresse des Andelys. Le mois suivant, il prend part à la défense de la ville de Breteuil, qui est attaquée par le roi français et son allié Amaury III de Montfort. Encore une fois, les Français doivent s’enfuir.
En 1124, Guillaume de Grandcourt, l’un de ses fils cadets, participe à l’embuscade de Bourgthéroulde comme chevalier de la maison royale. Il capture Amaury III de Montfort, le comte d’Évreux, mais choisit de déserter plutôt que de le remettre à Henri 1er.
Il se remarie en troisièmes noces avec Marguerite de Sully, petite-fille d’ Étienne II de Blois et Adèle d’Angleterre , la fille de Guillaume le Conquérant. Étienne, son oncle par alliance, devient roi d’Angleterre en 1135.
En Angleterre, les moines de Fécamp doivent veiller sur leurs intérêts. Vers 1130-1131, ils se disputent avec le comte d’Eu au sujet de droits de péage perçus à Winchelsea [4]. L’accord se fait dans la cour du roi, mais au prix fort. Le roi obtient une somme considérable pour son intervention aussi bien que sa part des péages.
Il réside pendant longtemps au château d’Eu [5], et fait des dons en faveur d’établissements monastiques en Normandie.
La ville du Tréport [6] doit au comte Henri l’accroissement de sa population et un commencement de prospérité, notamment en faisant bâtir un quai pour le port, avec des entrepôts. Le cours de la Bresle, qui baigne alors le pied des huttes du village de Mers, aux confins de la Picardie, est par lui détourné et dirigé le long du Tréport vers l’occident. La ville d’Eu lui serait redevable de ses premiers privilèges, que le comte Jean d’Eu , fils d’Henri, augmente notablement par une charte datée de 1151, qui reprend les mêmes coutumes que la ville de Saint-Quentin [7]. Henri donne, vers 1106, sa seigneurie de Hooe [8] à l’abbaye Notre-Dame du Bec [9]. Henri échange les chanoines réguliers de l’église Notre-Dame d’Eu pour des séculiers en 1130.
Il fonde l’abbaye savignienne de Foucarmont [10] en 1129/1130, avec des moines venant de l’abbaye de Savigny [11]. Elle est implantée au Fond Théodoric ou Théodore [12], un petit vallon au fond duquel coule la rivière l’Yères, et du gros bourg de Foucarmont [13].
Henri d’Eu embrasse lui-même la vie religieuse en devenant chanoine augustinien de l’abbaye Notre-Dame d’Eu. Sa mort est marquée au 12 juillet dans la nécrologie de l’abbaye de Foucarmont, où il est enterré.