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Charles IV de Luxembourg

jeudi 12 mars 2020, par lucien jallamion (Date de rédaction antérieure : 2 août 2012).

Charles IV de Luxembourg (1316-1378)

Roi de Bohème de 1346 à 1378-Empereur Germanique de 1355 à 1378

Portrait de Charles IV (détail du couronnement), par Maître Théodoric. (couvent de Sainte Agnès de Bohême)Fils de Jean de Luxembourg, petit fils de l’empereur Henri VII. Charles naquit à Prague [1] et fut baptisé sous le nom de Venceslas saint patron du Royaume de Bohême. Pour le soustraire à l’influence de sa mère, le roi Jean de Luxembourg, qui ne s’était jamais acclimaté en Bohême et qui considérait la France comme sa véritable patrie, l’envoya, âgé de 7 ans, à la cour de France, où il fut élevé sous la protection du roi Charles IV dont il reçut le nom. Il demeura en France pendant 8 ans et épousa une princesse française.

Quelques années plus tard, il revint en Bohême. Sa mère était déjà morte et il trouva le royaume dans un état lamentable, Prague délabrée, le château royal en ruine. Le jeune prince se décida à mettre de l’ordre dans l’administration du pays. Il s’appuya sur des hommes dont la plupart étaient des prélats cultivés ayant étudié dans les universités étrangères. Il fut soutenu également par une vague puissante de patriotisme. Le père de Charles, mécontent de cette activité, l’éloigna de nouveau pour 3 ans, mais il céda enfin et consentit à ce que son fils montât sur le trône comme héritier de la couronne. A la Diète du pays en 1341, Charles fut solennellement proclamé roi de Bohême. C’est ainsi que le roi Jean, devenu entre temps aveugle, permit à Charles non seulement d’accomplir son œuvre de reconstruction, mais aussi de prendre bientôt une place de premier plan dans la politique européenne.

Une occasion favorable ne se fit pas longtemps attendre. L’année suivante, fut élu en Avignon le pape Clément VI, qui se résolut à déposer Louis IV de Bavière. Depuis plus de 20 ans, Louis résistait aux excommunications pontificales, soutenu par l’opinion publique de l’Empire et par des hommes de science qui s’étaient réfugiés chez lui à Munich [2], tels Marsile de Padoue ou le franciscain [3] Guillaume d’Occam, auteur d’invectives passionnées dirigées contre la curie romaine. Comme l’empereur refusait de livrer à Rome ses protégés, le pape Clément VI se décida à mettre fin à cette lutte de plusieurs années ; il crut avoir trouvé en Charles l’homme capable de réaliser son projet. A la fin de l’année 1343, il invita les deux rois de Bohême dans sa résidence et au commencement de l’année 1344, il délibéra avec eux, dans le plus grand secret, sur les moyens à employer.

Après de solides préparatifs diplomatiques et militaires, le pape enjoignit à l’Empire d’élire un nouveau roi et au mois de juillet 1346, Charles, âgé de 30 ans, fut élu roi des Romains contre l’empereur Louis IV de Bavière.

Prince cultivé, ami de Pétrarque, il fit de sa cour un foyer d’humanisme et fonda l’université allemande de Prague [4] en 1349. A la mort de louis de Bavière, il fut couronné empereur à Rome en 1356. La même année il promulgua la fameuse bulle d’or, issue des délibérations de la Diète [5], tenue à Nuremberg ainsi qu’à Metz, établissant la procédure de l’élection des rois d’Allemagne. C’était un règlement électoral, soigneusement élaboré, destiné à empêcher les guerres pour la couronne impériale. La bulle fixait exactement et en détail les droits de chacun des sept électeurs, ainsi que les formalités de vote et de l’installation du nouveau roi. Comme la bulle ne soufflait mot du pape, observant sans le dire, mais avec décision, l’esprit caractéristique des lois anti-papales promulguées par les Diètes tenues sous Louis de Bavière, la Diète de Metz achève donc la première et la plus féconde décade du règne de Charles dans l’Empire. Charles aurait bien voulu poursuivre ses travaux législatifs, mais il y renonça, car il était de plus en plus souvent entraîné dans la guerre de Cent Ans. Toutefois, l’opinion publique des autres pays européens insistait auprès de Charles sur la nécessité de mettre fin à l’exploitation de la France par les papes. Charles, profitant d’un bref pontificat d’Urbain V, qui se décida à quitter en 1367 Avignon et à rentrer à Rome, entreprit en 1368 son deuxième voyage à Rome afin d’y raffermir la position du pape ainsi que l’autorité de l’Empire. Cependant, Urbain V retourna bientôt à Avignon.

Parvenu à l’apogée de sa puissance politique, Charles songea à assurer à son fils la succession de la couronne impériale. C’est pourquoi il voulut acheter au fils de Louis de Bavière le Brandebourg [6] avec la dignité de prince électeur et lorsque celui-ci refusa de céder le pays, Charles l’obligea par la guerre à renoncer à ses droits. Ces efforts de l’empereur provoquèrent le mécontentement dans l’Empire, toutefois il réussit en 1376, grâce à de nouveaux sacrifices, à faire élire son fils Venceslas roi des Romains. Ce fut son dernier succès. Il se rendit, bien que malade, à Paris, au cours de l’hiver 1377-78, mais ce voyage n’eut d’autre résultat que de ruiner sa santé. Il mourut au mois de novembre 1378, âgé de 62 ans.

Sous la dépendance de la papauté, il renonça à la politique impériale traditionnelle en Italie et ne s’occupa guère que de renforcer la puissance de sa maison de Bohème, par l’annexion de la Lusace [7] et de la Silésie [8]. Son règne, qui marqua un recentrage de la politique impériale sur le monde germanique et l’abandon de l’idéal du Saint Empire comme monarchie universelle, fut principalement axé sur le développement économique et intellectuel de la Bohême..

Malgré l’épidémie de la grande peste de 1349, l’Allemagne allait vivre grâce à ses talents de diplomate 30 années de paix. Il utilisa le produit des riches mines de Bohême pour assurer un véritable essor économique, et fit de Prague une capitale internationale de la science et de la culture en fondant la première université d’Allemagne.

Son action de bâtisseur et de mécène contribua à l’essor artistique et architectural de sa capitale par la construction du pont Charles [9] et du Radschin et achèvement de la cathédrale Saint-guy [10] par Peter Parler. C’est de son règne que date la première floraison de l’enluminure à Prague

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Francis Dvornik, Les Slaves histoire, civilisation de l’Antiquité aux débuts de l’Époque contemporaine, Seuil, Paris, 1970.

Notes

[1] Prague est la capitale et la plus grande ville de la République tchèque, en Bohême. Située au cœur de l’Europe centrale, à l’ouest du pays, la ville est édifiée sur les rives de la Vltava. Capitale historique du royaume de Bohême, berceau du peuple tchèque, Prague connaît son apogée au 14ème siècle sous le règne du roi de Bohême et empereur germanique Charles IV qui en fait la capitale de l’Empire. Elle est alors un centre culturel et religieux de première importance, où naissent les balbutiements de la réforme protestante lorsque Jan Hus prêche contre les abus de la hiérarchie catholique et le commerce des indulgences. Brièvement redevenue capitale impériale et culturelle au tournant des 16ème et 17ème siècles sous le règne de Rodolphe II, Prague perd progressivement en importance jusqu’à la Renaissance nationale tchèque au 19ème siècle puis la création de la Tchécoslovaquie au lendemain de la Première Guerre mondiale, en 1918, dont elle devient la capitale.

[2] Munich est une ville du sud de l’Allemagne et la capitale du Land de Bavière. En 1632, durant la guerre de Trente Ans, la ville tombe aux mains de Gustave II Adolphe de Suède. Et en 1634, la peste lui fait perdre les deux tiers de sa population. Entre 1651 et 1679, sous le règne de l’électeur Ferdinand-Marie de Bavière et grâce à sa femme Henriette-Adélaïde de Savoie, Munich s’enrichit de monuments de style baroque italien (Église des Théatins, château de Nymphenburg...) En 1705, pendant la guerre de Succession d’Espagne, l’électeur Maximilien II ayant pris parti pour les Bourbons, la ville retourne sous le patronage des Habsbourgs. L’Académie bavaroise des sciences est créée en 1759.

[3] Moines de l’ordre mineur de frères laïcs mendiants fondé par saint François d’Assise en 1209, sur les principes rigoureux de l’humilité totale et de la pauvreté extrême. Les franciscains ont une mission de prédication itinérante. Au 13ème siècle, l’ordre se divise, malgré les tentatives de conciliation de saint Bonaventure, entre les adeptes de la règle de pauvreté originelle et les spirituels, qui jugent la mission d’enseignement incompatible avec la misère matérielle. Malgré ces dissensions, et les diverses branches qui en découlent, les franciscains poursuivent une lutte active contre les hérésies et se répandent rapidement au travers de la chrétienté. Les franciscains portent une robe brune avec une corde pour ceinture (ce qui leur a valu le nom de cordeliers), habit des pauvres de leur temps. A la fin du 13ème siècle, il existe déjà 1500 maisons de franciscains. L’ordre franciscain s’est diversifié en trois courants : les frères mineurs, les frères mineurs conventuels et les frères mineurs capucins. Il existe aussi un tiers ordre de laïcs. Les franciscains sont partis en mission dans le monde entier.

[4] L’université Charles de Prague est une université tchèque, fondée à Prague le 7 avril 1348 ce qui en fait la plus ancienne université d’Europe centrale. Elle est aussi considérée comme la plus ancienne université allemande du fait de ses origines, Prague étant la capitale du Saint Empire romain germanique au moment de la fondation de l’université Charles par l’empereur Charles IV.

[5] La Diète d’Empire, officiellement Diaeta Imperii ou Comitium Imperiale, était une institution du Saint Empire chargée de veiller sur les affaires générales et de trouver une solution aux différends qui pourraient s’élever entre les États confédérés.

[6] Le Brandebourg est un Land de la République fédérale d’Allemagne. État fédéré situé à l’est du pays, il entoure entièrement la ville-Land de Berlin, avec qui il constitue la Région métropolitaine de Berlin-Brandebourg. Sa capitale est Potsdam. Il tire son nom de Brandebourg-sur-la-Havel où se trouvait le siège du pouvoir à l’époque de l’établissement de la Marche de Brandebourg.

[7] La Lusace est une région du nord-est de l’Allemagne, aux confins de la Pologne (Silésie) et de la République tchèque (Bohême), à l’est de la Saxe et au sud du Brandebourg. On distingue deux parties : Haute Lusace et Basse Lusace. La Lusace est toujours habitée par la minorité slave des Sorabes dont les ancêtres, le peuple des Milceni s’installèrent sur ce territoire au 9ème siècle. La Lusace fut province hongroise de 1469 à 1490.

[8] La Silésie est une région qui s’étend sur trois États : la majeure partie est située au sud-ouest de la Pologne, une partie se trouve au-delà de la frontière avec la République tchèque et une petite partie en Allemagne.

[9] Le pont Charles est un pont qui relie la Vieille-Ville de Prague au quartier de Malá Strana, au pied du château de Prague. Construit au 14ème siècle, il sera le seul pont sur la Vltava (la Moldau en allemand) jusqu’en 1741. Symbole de la ville, incontournable pour les touristes, il est maintenant envahi de musiciens, d’artistes divers, de bonimenteurs et de camelots. Son nom fait référence au roi Charles IV qui n’eut de cesse d’embellir Prague. Sa construction a servi à remplacer l’ancien pont Judith édifié quelques mètres en amont et emporté par la Vltava en crue en 1342.

[10] La cathédrale Saint-Guy est une cathédrale à Prague, République tchèque, et le siège de l’archevêché de Prague. Le nom complet de la cathédrale est Cathédrale Saint-Guy, Saint-Venceslas et Saint-Adalbert. Située à l’intérieur du château de Prague, elle est un excellent exemple d’architecture gothique et est la plus grande et plus importante église du pays.