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La sculpture et la statuaire

samedi 25 août 2012, par lucien jallamion

La sculpture et la statuaire

Dorénavant, la sculpture manifeste une certaine indépendance par rapport à la colonne ou à la niche qui l’abrite. À la Sainte-Chapelle, les statues d’apôtres ne sont plus des statues-colonnes, elles sont accolées au support. Un nouveau canon est adopté : 1/7ème pour la tête par rapport à la totalité du corps, au lieu du 1/6ème traditionnel. La draperie, autrefois chargée de créer le volume, en devient l’expression, tout se passe comme si le sculpteur avait d’abord conçu un nu. Les plis qui se cassent aux pieds, qui se creusent profondément pour accrocher la lumière, s’inscrivent dans cette optique. La froide sérénité qui marquait les visages fait place à une humanité et a une élégance des traits qui enveloppe toute l’œuvre .

La sculpture et la statuaire en France

La nouvelle esthétique s’impose en sculpture comme elle s’était imposée en architecture, sur les mêmes chantiers, à Bourges, au jubé et au portail central ; à Auxerre, à la façade occidentale ; à Amiens, au portail de la Vierge dorée à Reims, de façon diffuse. Les artistes novateurs travaillent côte à côte avec les artistes plus traditionnels, ce qui produit sur le même chantier des distorsions stylistiques dont Reims est l’exemple le plus célèbre. Il en est de même à la façade occidentale d’Amiens en 1240. Les hésitations disparaissent au portail du bras sud de cette même cathédrale, avec la Vierge dorée, et à Reims, au revers de la façade occidentale. En même temps apparaît une interprétation nouvelle du relief, la dalle de pierre est profondément creusée à Reims pour donner un puissant volume aux figures ; à Auxerre, les personnages sont traités en très bas relief.

Dès 1260, les formes se trouvent renouvelées à Notre-dame de Paris par des recherches maniéristes, le tympan du portail Saint-Étienne, aussi bien par sa composition que par les effets obtenus grâce au traitement de la draperie. Les sculpteurs réunis sur le chantier de la cathédrale de Rouen à partir des années 1280 s’inscrivent dans ce courant, qu’ils poussent jusqu’à son point ultime, groupement de statues, liberté de traitement, formes élancées. Une réaction assez violente se manifeste vers 1290 au profit d’un nouvel équilibre entre le monumental et le maniérisme comme à Saint-Louis de Poissy. Celui-ci s’est poursuivi sur les grands chantiers durant la première moitié du 15ème siècle, clôture du chœur de Notre-dame, Saint Jacques de l’Hôpital, Saint-Sépulcre, à Paris, avec une production très ample, mais de qualité variable. La sculpture funéraire tient une place particulière. Le rôle du commanditaire est plus affirmé, ses goûts le portent vers des recherches subtiles, rendant compte du succès de nouveaux matériaux qui succèdent à la pierre : le marbre blanc pour le gisant, noir pour la dalle comme pour Isabelle d’Aragon, Saint-Denis. Paris n’est pas le seul foyer de la sculpture, Troyes, Mussy-sur-Seine, la Lorraine, mais surtout le Sud-ouest, qui découvre la puissance de la sculpture gothique, Carcassonne, Bordeaux.

La sculpture et la statuaire dans l’empire germanique

Comme pour l’architecture, l’Empire adopta en sculpture sur le chantier de Strasbourg l’esthétique nouvelle. Le jubé datant de vers 1255 souligne la complexité des rapports des sculpteurs avec Paris. Il s’y affirme une liberté qu’on retrouve à Bamberg, et surtout à Nuremberg après 1249. Les artistes restent attachés à une conception monumentale de la sculpture, refusant toutes les recherches maniéristes.

Le chantier qui s’ouvre à Strasbourg, en 1280, pour la façade occidentale devait attirer de nouveaux talents. L’entreprise est l’une des plus ambitieuses et des plus remarquables de l’époque. L’iconographie s’y trouve renouvelée, avec l’apparition de nouveaux thèmes, Vierges folles et Vierges sages, trône de Salomon.... Les statues des piédroits sont adaptées aux niches qui les abritent. La draperie redevient un élément essentiel du volume, favorisant les recherches maniéristes. Les ensembles conservés de Fribourg-en-Brisgau, ou détruits de Bâle, s’inscrivent dans ce nouveau courant. C’est encore de Strasbourg que part une nouvelle impulsion lors de la réalisation de la chapelle de la Vierge. Dès cette époque, l’ouverture d’un autre grand chantier souligne les nouveaux rapports établis dans l’Empire avec l’art parisien notamment à Cologne avant la consécration en 1322.

La sculpture et la statuaire en Angleterre

Le chantier de Westminster, de par la volonté du roi Henri III, a été d’obédience française. Ailleurs les sculpteurs anglais hésitent entre une tradition insulaire qui s’essouffle vite et un apport étranger. À Lincoln dès 1256, ils reviennent à une conception plus traditionnelle, ailleurs les hésitations sont constantes, ce qui explique l’extraordinaire diversité des réalisations. Le choix s’affirme enfin lors de l’exécution des croix dressées par le roi Édouard 1er en souvenir de sa femme Éléonore morte en 1290. Il se fonde sur un juste équilibre entre l’architecture et la sculpture, le volume du corps et les draperies. Ce choix se retrouve également dans les gisants d’Henri III et d’Édouard 1er. Comme à Paris, l’intervention royale est manifeste dans la définition du style.

La sculpture et la statuaire en Espagne

Appel à des artistes étrangers, Français, Italiens surtout, qui se déplacent de chantier en chantier. Ainsi s’explique la mosaïque stylistique que l’on observe dans ce pays. Aucune région, aucun artiste ne réussit à imprimer sa marque personnelle. L’attachement à certaines formules romanes devait se prolonger jusqu’à une date avancée du 13ème siècle. À Burgos, la rupture n’apparaît que dans les parties supérieures de la cathédrale. Le cloître est remarquable par sa diversité de style, par son iconographie, les références demeurant nordiques. Il faut signaler enfin les chantiers des cathédrales de León et de Tolède ; sur le chantier de la cathédrale de Tolède, la présence d’artistes italiens est mentionnée.

Arts somptuaires : Vitraux, objets du culte, ivoire, émaux

Les orfèvres abandonnent les châsses traditionnelles pour un schéma inspiré de l’architecture ,Saint Taurin à Évreux ; ils acceptent le nouveau rapport de leur sculpture miniaturisée avec l’architecture. Ces recherches maniéristes, qui puisent dans les effets d’ombre et de lumière, se retrouvent dans l’enluminure. La composition est plus libre, le dessin plus délié, les plis soulignés. Enfin et surtout, la palette s’allège jusqu’à laisser deviner le support, le parchemin. La Bible du cardinal Maciejowski et surtout le Psautier de Saint Louis sont parmi les premiers témoignages de ce style aisé.

Afin d’illuminer les vitraux, on emploie dés le début du 14ème siècle des couleurs de plus en plus claires sur des verres de plus en plus minces. Les grandes dimensions de certains de ces vitraux nécessitent d’établir un "treillis" de pierres minces, meneau*, barbotière et vergette* pour qu’il résistent à la pression du vent. Apparaissent de nouveaux colorants comme le jaune d’argent. La maîtrise technique des maîtres verriers leur permet d’obtenir un niveau de détail proche de la peinture comme pour la Vierge à l’enfant de la cathédrale d’Evreux.

Souvent commandées par des princes et des dignitaires les oeuvres d’art somptuaire sont généralement offertes aux églises comme le reliquaire du St Sépulcre à Pampelune : Scène de l’ange assis sur le tombeau du Christ accueillant les saintes femmes alors que les soldats de la garde sont endormis. Des émaux cloisonnés sur or appelés émaux de plique dont les cloisons sont maintenus par une monture d’argile le temps de la cuisson.

Cette période est marquée par un trait assez fréquent dans la création artistique, celui de la miniaturisation, donc à échelle réduite des œuvres monumentales. Les exemples sont fréquents dans l’ivoire, Couronnement de la Vierge , Descente de Croix dont la production est abondante.

Peintures

Le Nord et l’Italie poursuivent chacun une voie qui s’affirme dans son autonomie. Dans l’Italie du 13ème siècle, la référence fondamentale reste l’esthétique byzantine, avec laquelle Nicolas Pisano et Giotto ont réussi à rompre. Pisano, en sculpture, renouvelle fondamentalement la formule lorsqu’il exécute la chaire du baptistère de Pise en 1260. Il fonde sa nouvelle esthétique sur une connaissance très approfondie de l’art antique sur lequel les artistes de Frédéric II avaient déjà attiré l’attention et dont il avait admiré quelques sarcophages au Campo Santo ; mais aussi sur la sculpture française du début du 13ème siècle, qu’il avait sans doute connue directement. Ses 2 adjoints lors de l’exécution de la chaire de Sienne en 1265, Giovanni son fils, et Arnolfo di Cambio, adoptent une voie différente.

Le premier se veut « gothique », si l’on en croit les œuvres destinées à la façade de la cathédrale de Sienne, et réalise à la fin de sa vie la synthèse entre cette esthétique et l’art antique. Quant à Arnolfo di Cambio, il tente de renouer avec une conception plus monumentale lors de l’exécution d’importantes commandes : par exemple le saint Pierre coulé en bronze à Saint-pierre de Rome.

Giotto fait le pendant à Giovanni Pisano . Il rompt lui aussi avec la tradition byzantine et témoigne d’une culture nordique tout aussi affirmée. Dans la chapelle Scrovegni à Padoue, dans les chapelles Bardi et Peruzzi à Santa Croce de Florence, Giotto a maîtrisé la question du rapport entre le monde plan et l’espace et réussi à exprimer l’histoire dans son mouvement. C’est cette inquiétude qui le conduit à prendre en compte l’architecture et la sculpture au campanile de Florence.

À Sienne, Duccio s’oppose essentiellement à cette conception monumentale lorsqu’il exécute la Maestà entre 1308 et 1311. Il fait éclater dans toute sa production un goût pour les jeux de courbes et les couleurs saturées, montrant ainsi qu’il participe au gothique international.

Simone Martini se rallie à cette esthétique dont il assure le succès par une aisance du dessin et un coloris d’une rare subtilité. Les 2 frères Lorenzetti restent étrangers à ce raffinement extrême au profit d’un goût certain pour la narration. Dans sa conception monumentale, Ambrogio montre une ouverture à l’art de Giotto, resté jusque-là étranger à l’école siennoise.

Le prodigieux mouvement lancé dans l’Italie du Nord par Giotto et par Duccio sera brutalement interrompu par la Peste noire en 1348. La moitié de la population des villes de Florence et de Sienne disparaît. Le traumatisme est si fort qu’il provoque un accroissement des commandes au contenu religieux, les artistes demeurant fidèles à la double tradition du début du siècle. La rupture définitive avec le passé devait se réaliser au début du siècle suivant avec Donatello et Masaccio.

Un siècle plus tôt que dans les autres pays d’Europe, une voie nouvelle était ainsi tracée en Italie qui devait bouleverser à tout jamais le monde de l’art. La rupture qui se fait jour de la sorte en Italie aurait pu se réaliser plus tôt dans certains pays du nord de l’Europe. Certains esprits y étaient prêts. La reprise de la guerre de Cent Ans a sans aucun doute interrompu un processus et a même provoqué un retour en arrière. Le mouvement reprit son cours normal dans la seconde moitié du 15ème siècle, la paix étant revenue. L’adoption du style nouveau n’obéit à nul phénomène mécanique : elle est liée à une nouvelle conception du monde, celle de l’humanisme.

Dès la génération suivante, des peintres manifestent une certaine liberté qui s’explique, pour une grande part, par la connaissance directe ou indirecte de l’art italien : Gérard David, Juste de Gand, Hugo Van der Goes.

Cette complexité des rapports avec l’Italie touche également l’œuvre du peintre français Jean Fouquet mort en 1481 après un voyage en Italie. Les peintres espagnols sont soumis à de semblables tendances. Ils demeurent attachés à la tradition de la Flandre, et certains artistes comme Lluis Dalmau, par exemple, n’hésitent pas à s’y rendre. Après de multiples hésitations, nombre de peintres se laisseront gagner par l’esthétique italienne.

P.-S.

Source : archives ljallamion histoire du 14ème/encyclopédie Imago mundi/ Herodote/Histoire/ Historia ect...