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Sibylle de Jérusalem

lundi 2 octobre 2023, par lucien jallamion (Date de rédaction antérieure : 15 mars 2012).

Sibylle de Jérusalem (1159-1190)

Reine de Jérusalem de 1186 à 1187

Les États croisés en 1102.(source : wiki/Royaume de Jérusalem)Fille d’Amaury 1er de Jérusalem et d’ Agnès de Courtenay . Elle était la sœur de Baudouin IV le lépreux.

Son oncle Baudouin III meurt en 1161, mais les barons du royaume demandent à son frère Amaury de se séparer d’Agnès de Courtenay, qu’ils jugent trop volage et intrigante, s’il tient à devenir roi. Une parenté opportune est mis au jour et permet la séparation des époux, tout en reconnaissant la légitimité de leurs 2 enfants, Baudouin et Sibylle. Amaury se remarie avec Marie Comnène qui donne naissance à une fille, Isabelle.

Très tôt, la lèpre de Baudouin est détectée, et il ne fait aucun doute que Sibylle doit être appelée à régner sur le trône de Jérusalem. Aussi la question de son mariage devient particulièrement une affaire d’état. Amaury 1er songea d’abord à Étienne 1er de Sancerre et lui envoya en 1171 l’archevêque Frédéric de Tyr en ambassade. Le comte vient en Terre Sainte, mais à peine débarqué, change d’avis, se contente d’effectuer sa quarantaine et repart vers Constantinople [1].

Amaury meurt le 11 juillet 1174 et son fils Baudouin IV le lépreux lui succède. Agnès de Courtenay profite de la mort d’Amaury pour revenir à la cour et y exercer son influence. La question de la succession du royaume se pose avec plus d’acuité, car on sait que les jours du roi sont comptés.

Le choix du roi et de ses conseillers se porte sur la personne de Guillaume Longue Epée dit Guillaume de Montferrat, fils aîné du marquis Guillaume V de Montferrat. Contacté en 1175, il débarque à Sidon [2] au début du mois d’octobre 1176, épouse immédiatement Sibylle et reçoit le comté de Jaffa et d’Ascalon [3]. Mais il contracte au bout de quelques mois une maladie et meurt à Ascalon en juin 1177. Enceinte, Sibylle donne naissance à un fils posthume, Baudouin, à la fin de l’été 1177.

Vers 1178, Philippe d’Alsace, comte de Flandre [4], qui est venu combattre en Terre Sainte, propose de la marier à un de ses chevaliers, le fils de Robert V de Béthune, mais la mésentente entre Baudouin et Philippe ne permet pas à ce projet d’aboutir.

Le 5 juin 1179, Josse, évêque d’Acre est envoyé en ambassade auprès du duc Hugues III de Bourgogne , pour lui proposer la main de Sibylle et la succession du royaume, mais si ce dernier accepte, il tarde à rejoindre la Terre Sainte. Entre temps, Sibylle s’éprend de Baudouin d’Ibelin , seigneur de Ramla [5], lequel est malheureusement capturé par Saladin le 10 juin 1179. Sibylle lui écrit en lui demandant de payer sa rançon au plus vite pour l’épouser, Baudouin, libéré sur parole part à Constantinople pour demander la somme au riche et généreux empereur Manuel Comnène, mais quand il débarque à Acre [6], c’est pour voir Sibylle promise à Guy de Lusignan.

En effet, Amaury de Lusignan, cadet poitevin qui s’était installé en Terre Sainte et qui avait épousé la fille de Baudouin d’Ibelin, cherchait à obtenir de l’importance au sein du royaume. Ayant obtenu la faveur d’Agnès de Courtenay, la reine mère, il devient connétable [7] du royaume. Puis il se met en tête de marier Sibylle avec son frère Guy, pensant ensuite le contrôler et diriger le royaume. Il vante tellement les qualités de son frère auprès de Sibylle que celle-ci oublie Baudouin et accepte d’épouser Guy. Baudouin IV, cédant aux sollicitations pressantes de sa mère et de sa sœur, finit par consentir au mariage. Guy arrive en Terre Sainte à la fin de 1179, épouse Sibylle en avril 1180 et reçoit à cette occasion le comté de Jaffa et d’Ascalon.

Guy de Lusignan ne tarde pas à montrer sa médiocrité, et Baudouin IV décide d’associer au trône Baudouinet, le fils du premier mariage de Sibylle, et en fait son héritier. Baudouin IV le lépreux meurt le 16 mars 1185, Baudouinet, âgé de 8 ans, lui succède sous le nom de Baudouin V, sous la régence de Raymond III, comte de Tripoli [8]. Mais le jeune roi meurt à son tour en septembre 1186.

Josselin III de Courtenay ou Josselin III d’Édesse , oncle de Sibylle, incite Raymond III à rejoindre les barons de son parti à Tibériade [9] et à y attendre la convocation de l’assemblée des barons, chargé de décider de la succession. A l’issue de l’enterrement de Baudouin V et profitant de l’absence de Raymond, elle se fait couronner reine, le patriarche Héraclius d’Auvergne , pourtant partisan de Lusignan mais craignant le mécontentement populaire n’ose pas couronner Guy en même temps. C’est Sibylle qui insiste pour que Guy soit couronné. Mais tout n’est pas encore joué sans l’assentiment de l’assemblée des barons. Désigné comme régent par Baudouin le Lépreux, Raymond III peut faire acte de candidature, mais conscient que cela diviserait le royaume, il se retire et propose la candidature d’Isabelle, demi-sœur de Sibylle, et de son mari Onfroy IV de Toron, mais ce dernier se désiste.

Contrairement à ses prédécesseurs, Guy de Lusignan, dépourvu de tout bon sens politique, soutient les exactions et les provocations de Renaud de Châtillon, au lieu de les réprimer. Saladin décide alors d’y mettre fin et attaque le royaume de Jérusalem.

Guy de Lusignan, à la tête de l’ost [10] francs se porte à sa rencontre, mais son armée, mal dirigée, est écrasée le 4 juillet 1187 à Hattin [11] et le roi est capturé. A Jérusalem [12], Balian d’Ibelin organise un conseil de défense, mais la reine Sibylle n’y participe pas. Elle décide même de rejoindre son mari, toujours prisonnier, à Naplouse [13] avant le début du siège de Jérusalem.

Saladin lui permet ensuite de se retirer en 1188 à Tripoli et libère Guy de Lusignan au cours de l’été 1188. Sibylle rejoint ensuite son mari qui assiège Saint-Jean-d’Acre, mais meurt durant le siège, en octobre 1190.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de René Grousset, Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem, Paris, Perrin, 1936 (réimpr. 1999)

Notes

[1] Constantinople est l’appellation ancienne et historique de l’actuelle ville d’Istanbul en Turquie (du 11 mai 330 au 28 mars 1930). Son nom originel, Byzance, n’était plus en usage à l’époque de l’Empire, mais a été repris depuis le 16ème siècle par les historiens modernes.

[2] Sidon ou Saïda en arabe est une ville du Liban. Elle fut dans l’antiquité la capitale incontestée de la Phénicie. La ville était construite sur un promontoire s’avançant dans la mer. Ce fut le plus grand port de la Phénicie sous son roi Zimrida, au 18ème siècle.

[3] Le comté de Jaffa est un fief sur le littoral du royaume de Jérusalem, qui est aussi une marche face à l’Égypte fatimide. La ville de Jaffa fut prise dès 1099, et Baudoin 1er en fit un comté qu’il confia à Hugues du Puiset. En 1135 le comte Hugues II fut accusé d’adultère avec la reine Mélisende de Jérusalem, et son comté fut confisqué, pour être donné en apanage à des membres de la famille royale. En 1153, la ville d’Ascalon est prise, et le comté devient comté de Jaffa et d’Ascalon. Jaffa fut prise par Saladin après la bataille de Hattin en 1187, et reconquise en 1191 par Richard Cœur de Lion. Elle fut définitivement prise par les musulmans en 1268. À la suite de la perte définitive de Jaffa en Terre sainte, les comtes de Jaffa se réfugièrent, comme d’autres seigneurs du royaume de Jérusalem, à Chypre où leurs titres continuèrent d’être transmis.

[4] Le comté de Flandre a été un pagus carolingien, puis l’une des principautés du royaume de France, particulièrement impliquée dans les conflits franco-anglais, aux frontières et à l’influence durement disputées depuis sa création au 9ème siècle jusqu’en 1384, date de la mort du comte Louis de Male. Le comté, possédé par la Maison de Flandre de 863 jusqu’à la mort de la dernière comtesse, Marguerite de Constantinople, en 1280, puis par la Maison de Dampierre-Flandre, puis devenu l’une des possessions de la Maison capétienne de Bourgogne en 1385, devint alors l’un des principaux centres des États bourguignons. Après la Guerre de succession de Bourgogne il fut ensuite progressivement intégré aux Pays-Bas bourguignons et fut finalement détaché du royaume de France par le Traité de Madrid en 1526 en faveur des Habsbourg d’Espagne. Louis XIV en reconquit une partie sur les Espagnols. Le comté cessa d’exister en 1795 après la conquête des Pays-Bas autrichiens par les Français. Le territoire de ce comté correspond approximativement aux provinces belges actuelles de Flandre-Occidentale et de Flandre-Orientale, à l’ouest de la province de Hainaut (arrondissements de Tournai et Mouscron), plus la partie de la province d’Anvers située à l’ouest de l’Escaut, la Flandre zélandaise et la région historique de Flandre française (région de Lille, Dunkerque, Hazebrouck, Douai,…).

[5] La seigneurie de Rama ou seigneurie de Ramla est un arrière-fief du royaume de Jérusalem. Elle s’étendait autour de la ville de Ramla, en Israël, entre Jérusalem et Jaffa. Il y a des seigneurs dès 1106. Dépendant initialement du domaine royal, la seigneurie est rattachée au comté de Jaffa en 1126. En 1148, le fief passe à la famille Ibelin. La seigneurie est conquise par Saladin en 1187. Les Croisés la réoccupèrent de 1229 à 1260.

[6] Acre est une ville d’Israël, située au nord de la baie de Haïfa, sur un promontoire et dotée d’un port en eaux profondes. Acre est située à 152 km de Jérusalem et dépend administrativement du district nord. Cette ville côtière donne son nom à la plaine d’Acre qui comporte plusieurs villages. Son ancien port de commerce florissant dans l’Antiquité, est devenu une zone de pêche et de plaisance de moindre importance. Elle devient au 13ème siècle la capitale du Royaume de Jérusalem et le principal port de Terre sainte.

[7] Le connétable sous l’Ancien Régime apparaît dès la dynastie mérovingienne. Son rôle se cantonnait à la gestion des écuries royales. Mais suite à l’effritement du pouvoir royal, ce dernier prend de l’ampleur envers tous les corps d’armée. Sous les Capétiens, le connétable de France est le « chef souverain des armées de France ».

[8] Le comté de Tripoli (comté de Tortose jusqu’en 1109) était l’un des États latins d’Orient fondés à la faveur de la première croisade. Il était situé sur le territoire de l’actuel Liban et subsista de 1102 à 1289.

[9] Tibériade est la capitale de la Galilée, dans le nord d’Israël. C’est une ville historique et touristique réputée. La cité antique est située dans la partie sud de l’agglomération d’aujourd’hui.

[10] Le terme ost ou host désignait l’armée en campagne à l’époque féodale et le service militaire que les vassaux devaient à leur suzerain au Moyen Âge. Dès le haut Moyen Âge, le service d’ost ou ost s’imposait à tous les hommes libres (« homines liberi »), appelés plus tard vavasseurs.

[11] La bataille de Hattin ou bataille de Tibériade a lieu le 4 juillet 1187 près du lac de Tibériade, en Galilée. Elle oppose les armées du royaume chrétien de Jérusalem, dirigées par Guy de Lusignan, aux forces de Saladin. Ce dernier remporte une victoire écrasante, qui lui ouvre les portes de la Palestine.

[12] Ville du Proche-Orient que les Israéliens ont érigée en capitale, que les Palestiniens souhaiteraient comme capitale et qui tient une place centrale dans les religions juive, chrétienne et musulmane. La ville s’étend sur 125,1 km². En 130, l’empereur romain Hadrien change le nom de Jérusalem en « AElia Capitolina », (Aelius, nom de famille d’Hadrien ; Capitolina, en hommage au dieu de Rome, Jupiter capitolin) et il refonde la ville. Devenue païenne, elle est la seule agglomération de la Palestine à être interdite aux Juifs jusqu’en 638. Durant plusieurs siècles, elle est simplement appelée Aelia, jusqu’en 325 où Constantin lui redonne son nom. Après la conquête musulmane du calife Omar en 638, elle devient Iliya en arabe, ou Bayt al-Maqdis (« Maison du Sanctuaire »), équivalent du terme hébreu Beit ha-Mikdash (« Maison sainte »), tous deux désignant le Temple de Jérusalem, ou le lieu du voyage et d’ascension de Mahomet, al-Aqsa, où se situait auparavant le temple juif

[13] Naplouse est une importante cité de Cisjordanie. Elle se situe à environ soixante-trois kilomètres au nord de Jérusalem. Ses habitants sont principalement des Palestiniens, dont environ 300 Samaritains. Le principal lieu saint de ceux-ci, le mont Garizim, surplombe en effet la ville. La ville abrite des lieux saints musulmans, chrétiens, samaritains et juifs. La cité fut fondée en l’an 72 par les Romains et fut initialement nommée Flavia Neapolis (« nouvelle cité de l’empereur Flavius »), à environ deux kilomètres à l’est de la cité biblique de Sichem, première capitale du royaume d’Israël. Vespasien la fait construire à la place d’un ancien village samaritain dénommé Mabartha.