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Vital de Savigny dit Vital de Mortain ou saint Vital de Savigny

mardi 22 août 2023, par lucien jallamion (Date de rédaction antérieure : 15 mars 2012).

Vital de Savigny dit Vital de Mortain ou saint Vital de Savigny (vers 1050-vers 1120)

Ruines de l'abbaye de Savigny.Il naît dans le diocèse de Bayeux [1], dans un village nommé aujourd’hui Tierceville [2]. Il appartient certainement à une famille aisée mais non aristocratique.

Ses parents, Raimfroy et Roharde, se hâtent de le faire instruire. Sa précocité le fait nommer le petit abbé. L’évêque de Bayeux Odon de Conteville l’envoie étudier à Liège [3]. Il revient dans son pays pour y ouvrir lui-même une école, qui était en même temps la chaire d’un apôtre. Il voit sa réputation se répandre à la Normandie [4], au Maine [5], en Bretagne [6], en Angleterre.

Robert de Mortain, demi-frère utérin de Guillaume le Conquérant et frère d’Odon de Conteville, le choisit comme chapelain et chanoine de sa collégiale Saint-Évroult de Mortain [7]. Il occupe cette charge pendant environ 20 ans.

En 1093 ou en 1095-1096 il embrasse la vie érémitique renonçant à tous les avantages qui lui étaient promis. Constatant l’enrichissement excessif des monastères bénédictins, il cherche dans la solitude une vie plus proche de la règle de saint Benoît [8].

Il n’est pas le seul à suivre cette voie. Entre 1095 et 1110, de nombreux religieux deviennent en effet ermite et partent évangéliser les foules. Pierre l’Ermite , Robert d’Arbrissel, Bernard de Tiron, Raymond Gayrard, Aldwine en sont les figures les plus connues.

De nombreux disciples se soumettent sous sa direction à une règle de silence absolu, de prière continuelle et de travail manuel. C’est l’origine de la communauté du Neubourg dans les faubourgs de Mortain. Le fils de Robert de Mortain, Guillaume de Mortain cède à l’ermite des terres au Neubourg qu’on appellera l’aumône de Mortain.

Les ermites deviennent trop nombreux, il les emmène alors dans les "déserts" et les forêts des marches de Normandie, du Maine et de Bretagne, fonde des ermitages, notamment celui de Dompierre [9], et donne des soins aux populations délaissées. Sa notoriété se répand au loin.

Bernard d’Abbeville, ermite, bénédictin, se réfugie dans l’un de ses ermitages. On lui offre un monastère à Château-Gontier [10] ; il habite quelque temps à Saint Sulpice des chèvres, dans la forêt de Pail [11]. Il passe 2 fois en Angleterre en 1102 et 1108, appelé par saint Anselme. En 1106, il est présent à Tinchebray [12] et cherche à empêcher la bataille qui s’annonce entre Robert Courteheuse et son frère Henri Beauclerc.

La bataille a quand même lieu et Henri en sort vainqueur. Le roi d’Angleterre confisque à Vital l’aumône de Mortain. L’ermite paie sûrement d’avoir pour bienfaiteur Guillaume de Mortain, l’un des barons vaincus.

Il part se réfugier dans les forêts des marches de Bretagne, Maine et Normandie, où il retrouve ses illustres amis Robert d’Arbrissel, Raoul de la Futaie et Bernard de Tiron, « qui venaient à Dompierre, comme jadis les Pères de Nitrie, tenir des conférences sur les constitutions érémitiques et sur la situation de l’Église ».

En 1105, Raoul, seigneur de Fougères [13], avait donné à Vital un partie de la forêt de Savigny [14] où ce dernier avait établi ses moines blancs. La fondation est officialisée en 1112 quand le roi d’Angleterre et le duc de Normandie Henri lui accorda une charte. Par sa situation aux confins du Maine, de la Bretagne et de la Normandie, la communauté monastique représentait un enjeu stratégique et Henri, oubliant son ressentiment à l’égard de Vital, comprit qu’il avait tout à gagner en s’impliquant à Savigny. Il renforçait sa position sur ce secteur aux limites de son duché.

L’abbaye de Savigny [15] devient bientôt chef d’Ordre, étend ses possessions dans le Maine, particulièrement au doyenné d’Ernée [16], et les seigneurs de Mayenne deviennent ses principaux bienfaiteurs. Cependant, l’Ordre de Savigny se développera surtout sous l’abbatiat de son successeur, Geoffroy.

En 1119 ou en 1122, Vital de Savigny visite les ermites de Dompierre, quand il expire subitement après avoir prononcé ces paroles : « Sanctæ Mariæ intercessio nos angelorum adjungat consortio ». On ensevelit son corps à Savigny, puis un de ses moines partit, muni d’un rouleau mortuaire, de monastère en monastère dans le Maine, l’Anjou et la Normandie, notifier le décès de l’abbé, et demander pour lui des prières.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Jaap Van Moolenbroeck, « Vital, l’ermite, prédicateur itinérant, fondateur de l’abbaye normande de Savigny », Revue de l’Avranchin et du Pays de Granville, tome 68, no 346, 1991

Notes

[1] Bayeux est une commune française et une des trois sous-préfectures du département du Calvados. Siège d’évêché depuis le 4ème siècle et sous-préfecture du Calvados, Bayeux est célèbre pour sa tapisserie retraçant, sous forme de broderie, la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant, exposée au Centre Guillaume-le-Conquérant. Capitale du Bessin, située à quelques kilomètres des plages du Débarquement, Bayeux a été la première ville que l’opération Overlord a libérée et une des rares en Normandie à être restée intacte après les combats, conservant ainsi un riche patrimoine architectural et culturel.

[2] Tierceville est une ancienne commune française, située dans le département du Calvados, devenue le 1er janvier 2017 une commune déléguée au sein de la commune nouvelle de Ponts sur Seulles puis définitivement supprimée

[3] La principauté épiscopale de Liège était un État du Saint Empire romain, compris dans le Cercle de Westphalie, ayant pour capitale la ville de Liège. C’est en l’an 985 que naît la principauté épiscopale. C’est à cette date que Notger, déjà évêque de Liège depuis 972, devient prince-évêque en recevant le comté de Huy. Cet État a existé pendant plus de 800 ans, jusqu’à la révolution liégeoise en 1789.

[4] Le duché de Normandie est un duché féodal du royaume de France qui a existé de 911 à 1469, d’abord comme principauté largement autonome, puis après sa conquête par le roi de France en 1204, comme partie du domaine royal ou comme apanage. Louis XI supprime le duché en 1469. Toutefois, il subsiste pour sa partie insulaire (les îles Anglo-Normandes) comme dépendance de la couronne britannique. Le duché de Normandie fait partie, comme l’Aquitaine, la Flandre ou la Catalogne, de ces principautés qui émergent au milieu du Moyen Âge avec l’affaiblissement du pouvoir royal carolingien.

[5] Après 748 Le Maine et le Mans disparaissent des documents et chartes pour ne réapparaître qu’avec les Rorgonides qui sont probablement descendants de Roger et d’Hervé. À la mort de Gauzfrid en 878, son fils étant trop jeune pour lui succéder, le comté du Maine est donné à Ragenold, un rorgonide d’une branche cadette, puis Roger du Maine, marié à une carolingienne. Les Rorgonides se tournent alors vers les Robertiens et le comté est disputé entre les deux familles. Gauzlin II fils de Gauzfrid du Maine. Il est le dernier comte du Maine de sa famille, qui se le fait confisquer par le roi Charles III le Simple, au bénéfice de Robert le Fort, ancêtre des Capétiens. Sans enfant, Herbert II mort en 1062 désigne dans son testament Guillaume le Conquérant comme son successeur, mais les seigneurs du Maine se révoltent et appellent un oncle par alliance d’Herbert II.

[6] Le Duché de Bretagne est un duché féodal qui a existé de 939 à 1547. Son territoire, partie de celui de l’ancienne Armorique, correspond à la région Bretagne actuelle avec une grande partie du département de la Loire-Atlantique où se trouvent la ville de Nantes et l’ancien pays de Retz. Le duché s’est trouvé, au fil des siècles, dans les zones d’influence du duché de Normandie, du royaume de France et du royaume d’Angleterre. À plusieurs reprises, les ducs ont essayé de se détacher de ces influences. Succédant au royaume de Bretagne, le duché naît en 936, en plein cœur de l’occupation de la Bretagne par les troupes viking du chef Incon. Alain Barbetorte, petit-fils du dernier roi de Bretagne Alain 1er Le Grand, libère le pays du joug normand et devint alors le premier duc de Bretagne. Pendant près de trois siècles, du 10ème siècle au 12ème siècle, les grandes maisons comtales bretonnes (Nantes, Rennes, Cornouaille) se disputent ardemment le pays breton et finissent par posséder le duché les unes après les autres.

[7] La collégiale Saint-Évroult de Mortain est une ancienne collégiale et chapelle royale qui se dresse sur le territoire de la commune française de Mortain, dans le département de la Manche.

[8] L’ordre de Saint-Benoît, plus connu sous le nom d’ordre des Bénédictins, est une fédération de monastères ayant, au cours de leur histoire, adopté la règle de saint Benoît. Ainsi saint Benoît de Nursie en est-il considéré comme le fondateur en 529.

[9] Dompierre est une commune française du pays de Passais, située dans le département de l’Orne

[10] La baronnie de Château-Gontier, est une ancienne baronnie médiévale, érigée en marquisat en 1656. Elle offre cette particularité historiquement intéressante que sa limite nord était comme indécise entre le comté de Laval, le comté du Maine et l’Anjou. L’autorité civile et féodale du comte d’Anjou avait empiété par droit de conquête sur le territoire du Maine, avant le 11ème siècle, mais à une époque où les paroisses étaient déjà constituées. Aussi l’évêque du Mans avait-il maintenu sa juridiction sur l’étendue de son diocèse. C’est ainsi, du moins, que l’abbé Angot croit devoir comprendre et expliquer ce phénomène anormal.

[11] La forêt de Pail est une forêt privée de 2 737 hectares située dans les communes d’Averton (90 %) et Crennes-sur-Fraubée (10 %), dans le département de la Mayenne, à 30 km à l’est de la ville de Mayenne. La forêt appartient à la famille de Poix, résidant au château de Lorgerie situé au cœur de la forêt.

[12] Tinchebray est une commune française, située dans le département de l’Orne en région Basse-Normandie, À l’issue de la bataille de Tinchebray, le 28 septembre 1106, lors de laquelle Henri 1er Beauclerc, roi d’Angleterre vainc son frère Robert Courteheuse, duc de Normandie, le duché de Normandie est de nouveau rattaché à l’Angleterre, 19 ans après le partage entre les fils de Guillaume le Conquérant. La seigneurie de Tinchebray est rattachée au domaine royal en 1259.

[13] Fougères est une commune française sous-préfecture d’Ille-et-Vilaine,

[14] Savigny-le-Vieux est une commune française, située dans le département de la Manche

[15] L’abbaye de Savigny est une abbaye fondée en 1112-1113 par Raoul de Fougères et sa femme Amicia pour l’ermite Vital de Mortain dans la commune de Savigny-le-Vieux. Spirituellement proche des cisterciens, l’abbaye de Savigny (avec tout l’ordre savignacien) se donne à l’ordre de Cîteaux en 1147.

[16] Ernée est une commune française, située dans le département de la Mayenne