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Jâbir ibn Hayyân dit Geber

dimanche 5 septembre 2021, par lucien jallamion (Date de rédaction antérieure : 27 septembre 2011).

Jâbir ibn Hayyân dit Geber (vers 721- 815)

Alchimiste musulman chiite

Il est considéré comme un des précurseurs de la chimie pour avoir été le premier à pratiquer l’alchimie de manière scientifique.

Né à Tous [1] dans la province du Khorassan [2].

Fils d’un apothicaire de la tribu des Azd [3] qui fut exécuté pour avoir conspiré contre le califat des Omeyyades [4].

Jeune homme, il fut envoyé en Arabie pour étudier le Coran et les mathématiques. Il devint ensuite le disciple de l’imam [5] chiite [6] Jafar as-Sadiq. Il vécut la quasi totalité de sa vie à Koufa [7] en Irak. Malgré ses inclinations au mysticisme et à la superstition, il reconnut clairement et proclama l’importance de l’expérimentation. Ses travaux constituèrent des avancées significatives à la fois sur les plans théoriques et expérimentaux.

Ses livres influencèrent nettement les alchimistes européens et justifièrent leur quête de la pierre philosophale, Lapis Philosophicus. On lui attribue la paternité d’un grand nombre d’équipements de laboratoire de chimie et de procédés maintenant courants ainsi que la découverte de substances chimiques, tels que l’acide chlorhydrique et l’acide nitrique, la distillation et la cristallisation, qui devinrent les fondements de la chimie et du génie chimique modernes.

Il a écrit plus de 100 traités sur des sujets variés, dont 22 concernent l’alchimie. Fermement bâtis sur des observations expérimentales, ses livres donnent une systématisation des procédés chimiques fondamentaux utilisés par les alchimistes, tels que la cristallisation, la distillation, la calcination, la sublimation et l’évaporation. Ils constituent donc un grand pas dans la transformation de la chimie d’un art occulte en une discipline scientifique.

En particulier, il devine que des quantités finies de différentes substances sont mises en œuvre au cours des réactions chimiques, devançant ainsi de presque un millénaire les principes de la chimie moderne et notamment de la loi des proportions définies découverte par Joseph Louis Proust en 1794.

On lui attribue également l’invention et le développement de plusieurs équipements de laboratoire toujours en usage à l’heure actuelle, tels que l’alambic, qui permit d’effectuer des distillations de manière plus sûre, plus aisée et plus efficace. En distillant des sels en présence d’acide sulfurique, il découvrit l’acide chlorhydrique et l’acide nitrique. En mélangeant les deux, il inventa l’eau régale, qui est l’un des seuls réactifs chimiques qui permette de dissoudre l’or. Au-delà de ses applications pour l’extraction et la purification de l’or, cette invention fit à la fois le bonheur et le désespoir des alchimistes pendant le millénaire suivant. On lui attribue également la découverte de l’acide citrique, de l’acide acétique et de l’acide tartrique.

Il appliqua ses connaissances à l’amélioration de nombreux procédés de fabrication, parmi lesquels la fabrication de l’acier et de divers métaux, la prévention de la rouille, la dorure, la teinture des vêtements, la tannage du cuir, ainsi que l’analyse de pigments. Il développa l’utilisation du dioxyde de manganèse dans la fabrication du verre afin de compenser les teintes vertes produites par le fer, procédé encore employé de nos jours. Il remarqua que l’ébullition du vin produit une vapeur inflammable, ouvrant ainsi la voie à la découverte de l’éthanol par Al-Razi.

Il proposa également une nomenclature des substances, qui peut être vue comme posant les bases de la classification des éléments moderne. Il proposa de séparer les substances en trois catégories : "esprits", qui se vaporisent sous l’effet de la chaleur comme le camphre, l’arsenic ou le chlorure d’ammonium ; les "métaux" comme l’or, le plomb, le cuivre et le fer ; et les "pierres" qui peuvent être broyées sous forme de poudre. Au cours du Moyen Âge, ses traités d’alchimie furent traduits en latin et devinrent les textes de référence des alchimistes européens.

Il devint alchimiste à la cour du calife [8] Haroun al-Rashid. Son intérêt pour l’alchimie fut très probablement inspiré par son maître Ja’far al-Sadiq, qui était un homme très instruit et l’une des plus hautes autorités dans le domaine des sciences ésotériques. I l écrivit le “Kitab al-Zuhra” pour Hâroun ar-Rachîd. Il écrit dans son "Livre des Pierres" que "le but est de désarçonner et d’induire en erreur tous sauf ceux aimés de Dieu et qu’il destine au savoir". Ses travaux étaient délibérément écrits suivant un code ésotérique, de manière à ce que seuls ceux ayant été initiés dans son école d’alchimie puissent les comprendre. Il est donc très difficile pour le lecteur moderne de discerner quels aspects de ses écrits doivent être compris comme des symboles et lesquels peuvent être compris littéralement.

Le but ultime de ses travaux alchimiques concernait la création artificielle de la vie. Ses recherches étaient fondées théoriquement sur une numérologie élaborée liée aux systèmes pythagoricien et néoplatonicien. La nature et les propriétés des éléments étaient définies aux travers de nombres assignés en fonction des consonnes arabes présentes dans leurs noms.

Ses travaux concernèrent également la médecine et l’astronomie.

Malheureusement, un petit nombre seulement de ses livres ont été édités et publiés, et peu sont toujours disponibles pour la traduction.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Imago Mundi/ Geber (Abou Mousa Djaber ben Hayyan Eç Çoufy)

Notes

[1] Tus ou Tous ville du nord-est de l’Iran située près de Mashhad dans la province de Khorasan-e-razavi.

[2] Le Khorasan-e-Razavi est une des 30 provinces d’Iran. Elle est située dans le nord-est du pays. Mashhad est la capitale de la province. Le Grand Khorasan a vécu l’ascension et la chute de nombreuses dynasties et gouvernements sur son territoire au cours de l’histoire. De nombreuses tribus arabes, turques, mongoles, turkmènes et afghanes ont amené des changements dans la région chacune en leur temps.

[3] Banu Azd1 est le nom d’une ancienne tribu arabe. Les Banu Azd font partie d’une vaste confédération tribale de l’Arabie, dont les deux principales branches occupaient l’Asir à l’ouest et Oman à l’est. Les Azd se réclamaient une origine yéménite (descendant de Qahtan). Vivant au Yémen, ils doivent leur épanouissement au barrage de Ma’rib qui a irrigué les terres arides du pays. Quand le barrage s’est effondré en 570, les Azd ont quitté leur terre pour se rendre dans des contrées moins difficiles. Ils se sont ralliés à l’Islam du vivant de Mahomet en 631 et ont participé dès 634 aux grandes conquêtes musulmanes. Beaucoup d’entre eux se sont installés à Bassorah dans l’actuel Irak et dans le Khorasan en Perse.

[4] Les Omeyyades, ou Umayyades sont une dynastie arabe de califes qui gouvernent le monde musulman de 661 à 750. Ils tiennent leur nom de leur ancêtre Umayya ibn Abd Shams, grand-oncle de Mahomet. Ils sont originaires de la tribu de Quraych, qui domine La Mecque au temps de Mahomet. À la suite de la guerre civile ayant opposé principalement Muʿāwiyah ibn ʾAbī Sufyān, gouverneur de Syrie, au calife ʿAlī ibn ʾAbī Ṭalib, et après l’assassinat de ce dernier, Muʿāwiyah fonde le Califat omeyyade en prenant Damas comme capitale, faisant de la Syrie la base d’un Califat qui fait suite au Califat bien guidé et qui devient, au fil des conquêtes, le plus grand État musulman de l’Histoire.

[5] Un imam est une personne qui dirige la prière en commun. C’est de préférence une personne qui doit être instruite en ce qui concerne les rites et la pratique au quotidien de l’islam. Pour les chiites, tenant d’une tradition cléricale de l’islam, l’imam est le guide spirituel et temporel de la communauté islamique. Chez les duodécimains, ils portent souvent le titre de mollah ou d’ayatollah et, de ce fait, celui d’imam est plus usité dans le sunnisme. Dans les autres communautés chiites, l’imam est le seul guide. Dans le cadre du sunnisme, on peut comparer la fonction d’imam à celle du pasteur ou de prédicateur protestant. En effet, l’imam ne fait pas partie d’une structure hiérarchique : il est désigné par la communauté elle-même et ne prétend à aucun lien privilégié avec Dieu. Il peut être licencié s’il n’accomplit pas sa mission.

[6] Le chiisme constitue l’une des deux principales branches de l’islam, l’autre étant le sunnisme. Il regroupe environ 15 à 20 % des musulmans, dont 90 % de la population iranienne

[7] Koufa ou Kûfa est une ville d’Irak, environ 170 km au sud de Bagdad, et à 10 km au Nord-est de Nadjaf. Elle est située sur les rives du fleuve Euphrate.

[8] Le terme calife, khalife ou caliphe est une romanisation de l’arabe khalîfa, titre porté par les successeurs de Mahomet après sa mort en 632 et, pour les sunnites, jusqu’à l’abolition de cette fonction par Mustafa Kemal Atatürk en 1924. Les ibadites ne reconnaissent plus aucun calife depuis 657. L’autorité d’un calife s’étend sur un califat. Il porte aussi le titre de commandeur des croyants, titre aboli chez les chiites après la mort d’Ali. Les critères de choix sont différents entre les chiites et les sunnites mais le porteur du titre a pour rôle de garder l’unité de l’islam et tout musulman lui doit obéissance : c’est le dirigeant de l’oumma, la communauté des musulmans. Pour les sunnites, la fonction est élective. Les chiites pensent à l’inverse que si un calife doit être choisi, il devra l’être selon le principe de l’imamat.